Syburra-Bertelletto Romaine, 2003 :
Selon la double inscription, ces armoiries sont celles de saint Théodule: d’argent à la fasce d’azur accompagnée en chef et en pointe d’une rose de gueules, boutonnée d’argent et barbée de sinople. Le phylactère posé en cri précise en effet «S[anctus]. THEOD[orus]. EPI[scopus] SEDUN[ensis] PRAEF[ectus] et COM[es] VALL[ensis] S[acri]. R[omani].I[mperii] PRINCIPIS:ARMA.» soit Saint Théodule, évêque de Sion, préfet et comte du Valais, prince du Saint Empire romain germanique et repris en devise par l’inscription: «S. THEODOLUS DE GRANDMONTE. PATER PATRIAE. HORVIT. ANOO: 801 [?] S. CAROLI. MAGNI.». La composition est centrée sur l’écu, de forme traditionnelle depuis le XVIe siècle, timbré de la mitre décorée de brocard, la crosse pastorale et l’épée régalienne disposées en sautoir. Les deux anges sont vêtus d’une longue tunique blanche recouverte d’un surplis, leurs hautes ailes encadrant la tête. Ces tenants, de par leur nature angélique, ainsi que la mitre, la crosse et l’épée, ne laissent aucun doute sur la qualité épiscopale du porteur de ces armoiries. De plus, les meubles utilisés, particulièrement les deux roses, étaient, au XVIIe siècle, et selon l’hagiographe Jean Stälin (†1640), l’emblème du saint évêque. Ce même motif floral se retrouve sur la mitre et le fermail de la chape du Théodule MV 1582, sculpté au XVIe siècle. Si la localisation originale de ce tableau n’a pu être déterminée précisément, il est à supposer que ce dernier faisait partie d’un ensemble plus important. La position des deux anges et leur regard ostensiblement tourné vers la droite semblent indiquer quelque chose situé hors du cadre, sculpture ou autre tableau, qui complétait cette composition. Inscrit dans le contexte de la légitimation des droits temporels conférés légendairement à saint Théodule par Charlemagne au début du IXe siècle, le tableau veut présenter les armoiries du prélat comme une preuve de vérité historique de cette donation. Encore au milieu du XVIIe siècle – date probable de l’exécution du tableau – l’attribution d’armoiries à un saint dont l’historicité est mise en discussion s’insère à point nommé dans l’opposition qui règne entre les patriotes et l’évêque au sujet du pouvoir temporel. En exhumant les saints évêques du diocèse, c’est tout le passé historique et glorieux du siège épiscopal qui revit. Depuis le Conclusum de 1613 par lequel l’évêque renonce officiellement à la Caroline, le pouvoir comtal est détenu par la souveraineté des dizains. La Diète profite de chaque élection épiscopale pour disputer à l’Eglise ses droits et saper son pouvoir. De son côté, chaque prélat, allié au Chapitre, tente encore de retrouver son autorité régalienne. Les chanoines voient dans la menace des droits épiscopaux la fin de leurs privilèges. Contrairement à l’époque médiévale, évêque et haut clergé doivent s’allier pour défendre leur charge et rechercher aux origines du diocèse la justification de leurs droits spirituels et temporels. Arrivé à Sion en 1640, Hans Ludolff devient, entre 1650 et 1655, le peintre attitré de l’évêque Adrien IV de Riedmatten. Réglées par convention, ses commandes fixent clairement l’iconographie car le prélat veut illustrer les origines de son pouvoir temporel. Les nombreuses œuvres, offertes à travers tout le diocèse, cherchent à matérialiser celui qui reçut ce pouvoir, saint Théodule. Le saint devient ainsi la personnification des droits de l’évêque, et son existence, leur justification. "Tableau des armoiries de saint Théodule”, in: Morand Marie Claude (dir.), Musée cantonal d'histoire Sion. Guide des collections, Sion: Editions des Musées cantonaux du Valais, 2003, pp. 180-182