Antonietti Thomas, 2003 :
Cette lampe à huile en pierre ollaire de forme hexagonale est taillée en deux registres: le registre supérieur est constitué de six espaces en forme d’écus pointus avec respectivement les armoiries, les marques domestiques et la date 1631; le registre inférieur se compose des arrêtes montantes de l’hexagone du pied; en haut on note une cupule avec un enfoncement au centre contenant la mèche. Il y a une fine gouttière pour la mèche. Au cours de nombreux siècles, la lampe taillée dans la pierre a été la solution apportée à l’éclairage en Valais et dans toute la région alpine. On utilisait comme matériau de combustion de l’huile de noix, de chanvre, de la graisse, du beurre ou du suif. Quant à la mèche, elle se composait d’un fil de laine, de chanvre, parfois de feuilles séchées de Verbascum, «bouillon blanc». L’origine de la lampe à pied présentée ici est inconnue, toutefois un exemplaire de même taille et de même forme est décrit dans le Val d’Anniviers. Quant à la pierre, il s’agit de stéatite, roche présente partout dans le monde minéral et dans de nombreux endroits du Valais. La composition minéralogique donne à cette roche des variations de couleurs selon sa provenance. En français, c’est le mot pierre ollaire qui est utilisé, (du latin ollarius, de olla = marmite). Dans la Haut-Valais c’est le terme de «Giltstein» (pierre ollaire) et dans les autres régions alémaniques de «Speckstein» (pierre à lard), Topfstein (pierre à pot), ou «Seifenstein» (pierre à savon) et de «laveggio» en italien. Dans les régions alpines, l’utilisation de la pierre ollaire est connu depuis au moins 2000 ans. Pendant de nombreux siècles, elle constitue la matière première la plus importante, car il s’agit d’une roche relativement tendre qui se laisse facilement travailler au couteau, à la lime ou à la scie. Elle était très prisée pour sa résistance aux chocs et au feu, et pour sa capacité à emmagasiner la chaleur. La pierre ollaire servait à fabriquer des récipients, tels que marmites, pots à conserve ou gobelets, lampes, fers à repasser, verticelles entourant le fuseau à filer, poids pour les horloges, mortiers, bénitiers, fonts baptismaux, éléments de construction ainsi que – dès 1500 environ – des poêles. Les objets en pierre ollaire, en particulier les lampes, sont des ustensiles d’une durée d’emploi extraordinaire. Les exemplaires les plus anciens proviennent de l’époque préhistorique et malgré cette lointaine origine des collectionneurs pouvaient encore en trouver au début du XXe siècle et en acquérir de nombreux dans les vallées latérales du Valais. En tant qu’ustensiles domestiques, ils tombèrent en désuétude au cours du XIXe siècle, mais se maintiendront malgré tout dans les chapelles jusqu’au XXe siècle. A l’intérieur des églises elles servaient de lampes éternelles, devant le tabernacle, si bien que les fidèles se mirent à attribuer à la graisse ou à l’huile qu’elles contenaient des dons de guérison miraculeuse. C’est ainsi que s’explique peut-être leur longévité. Les lampes en pierre faisant l’objet de collections ou de publications, pour autant qu’elles soient datées, proviennent pour la plupart du XVIIe ou XVIIIe siècle. Elles apparaissent sous toutes les dimensions et toutes les formes géométriques (rondes, triangulaires, carrées, octogonales, plates, cylindriques, coniques, etc). Elles ne sont pas toutes en pierre ollaire et peuvent être parfois taillées dans une autre roche. Tant la multiplicité des formes que les manières très diversifiées de travailler la pierre permettent d’y déceler avant tout un artisanat local voire régional, plus qu’une production en série. Les lampes de grande taille à mettre en pied étaient munies d’une ou de deux anses. Les lampes à suspendre étaient d’un format réduit. "Lampe à huile en pierre ollaire”, in: Morand Marie Claude (dir.), Musée cantonal d'histoire Sion. Guide des collections, Sion: Editions des Musées cantonaux du Valais, 2003, p. 84-87.