Autel domestique


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Antonietti Thomas, 2003 :

L’autel domestique d’Ayent présente les traits typiques de la décoration religieuse populaire du XIXe siècle, voire du début du XXe siècle, empreinte de symétrie et d’ajouts hétéroclites. Une croix montée sur un socle du XVIIIe siècle se niche dans une boîte néogothique. Le crucifix est orné de deux bougeoirs, de deux vases contenant des fleurs en tissu et d’une étoile dorée sur le socle. La paroi du fond est recouverte d’une tapisserie blanche et or. Au premier plan, le crucifix est entouré d’un ouvrage en bois finement sculpté, de style néogothique faisant office de barrière de chœur. Un baldaquin est peint sur le verre. Au XVIIe et XVIIIe siècle, les autels domestiques et plus rarement les chapelles domestiques n’apparaissent que dans les intérieurs de familles aisées qui font partie de la classe dirigeante. Contrairement au salon aristocratique et bourgeois, la chambre principale de la demeure rurale est un espace polyvalent. On y travaille et dort, prie et mange, naît et meurt. La salle de séjour n’est donc pas uniquement une pièce de repos ou de loisirs, mais aussi un lieu de culte familial et de souvenirs des anciens. La décoration discrète se limite à représenter deux thèmes: la religion et la famille. L’ornementation des parois à but purement décoratif reste absente de la demeure rustique jusque très tard dans le XXe siècle. Si des images et des objets religieux ornent les maisons, ce n’est encore qu’en nombre très restreint. Quant aux gravures en couleur à thème religieux, elles ne seront rendues possibles que vers la fin du XIXe siècle grâce aux nouvelles techniques d’impression. Vers 1900, encouragée par l’Eglise, la décoration privée fait son entrée dans l’ensemble de l’Europe catholique. Les autels du style de celui présenté ici restent excessivement rares dans les ménages paysans du Valais des XVIIIe et XIXe siècles. Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle, voire même au début du XXe siècle que cette décoration pieuse – qui se réfère probablement aux chapelles privées ou aux autels domestiques aristocratiques et bourgeois – viendra orner de plus en plus la pièce principale de l’habitat rural. La plupart des autels domestiques conservés dans les musées valaisans sont ornés de figurines en plâtre, d’impressions en couleur et d’éléments décoratifs issus de la production industrielle des environs de 1870. La composition donne l’impression d’un arrangement spontané, l’habitacle est en général de facture très simple. On y trouve parfois également des personnages sculptés en bois ainsi qu’un crucifix, tel que le montre notre exemplaire. Le motif du Christ en croix est au centre de l’iconographie chrétienne, ce qui explique la fréquence de ce sujet dans les autels domestiques. L’introduction d’insignes religieux dans l’habitat profane doit être comprise dans le sens d’une pratique catholique. Par la présence de croix, d’images pieuses et d’autres objets de dévotion, la salle de séjour se transforme en un lieu de dévotion servant de cadre aux exercices de piété tels que la récitation du rosaire, de l’angélus et du bénédicité. "Autel domestique d’Ayent”, in:Morand Marie Claude (dir.), Musée cantonal d'histoire Sion. Guide des collections, Sion: Editions des Musées cantonaux du Valais, 2003, pp. 222-224.