André Ramseyer (1914 - 2007, sculpteur non-figuratif)
Aldébaran / Aldébaran / Aldebaran


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Camille Jaquier, 2010 :

André Ramseyer (1914-2007), Aldébaran, s.d. (1974), bronze (1/3), 86.5 x 86 x 40 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 2999, don de Line et Jean-Philippe Racine en 2008. L’œuvre s’inscrit au cœur des préoccupations artistiques d’André Ramseyer. Aldébaran est en effet l’une des nombreuses variations que le sculpteur a réalisées sur le thème du cercle – quasi obsessionnel, de son propre aveu(21) –, aussitôt après son passage à l’art non-figuratif entre 1952 et 1955. Ici, le cercle se développe dans l’espace sous la forme d’une spirale rythmée par deux décrochements anguleux. La figure est conçue à la manière d’une bande qui s’enroule sur elle-même en effectuant une torsion. En suivant les arêtes de la spirale, le regard réalise un parcours concentrique démultiplié, conférant à l’œuvre un mouvement de rotation. Ce dynamisme répond, de la même façon que la couleur orangée du bronze, au titre de l’œuvre, Aldébaran, nom d’une étoile de teinte rougeâtre de la Constellation du Taureau. La forme concentrique se manifeste tant par la matière que par le vide. L’« espace intérieur signifiant » (22), c’est-à-dire l’espace central, de même que le volume aérien qui entoure l’objet, font partie du travail de modélisation du sculpteur. L’ovale central, par son aplatissement, semble indiquer le sens de lecture de l’objet, de gauche à droite et du centre à l’extérieur. Par ailleurs, le cercle fait écho, dans l’imaginaire symbolique de l’artiste, au ciel et, à travers cet élément, à l’Absolu. Selon Ramseyer, la quête de cet Absolu se poursuit, dans son travail, par la création de formes originales et par la recherche de leur harmonie : « Nous sommes tous des poètes – de mots, de sons, de couleurs, de formes… – ayant reçu une minuscule braise du feu de l’Absolu, et nous passons notre vie à souffler dessus pour qu’elle ne s’éteigne pas. »(23) Aldébaran matérialise et articule donc deux discours : le thème du ciel et la création artistique. L’art de Ramseyer, bien qu’abstrait, tend ici vers la figuration, puisqu’il trouve sa source dans une réalité – l’étoile Aldébaran – et y renvoie de façon directe par sa forme. Cette sculpture, qui s’appréhende de façon plus sensuelle que cérébrale, rassemble ainsi deux pôles apparemment opposés : la matérialité de la forme et sa dimension spirituelle. Cette tension s’explique par la perception de la nature chez l’artiste : elle lui présente à la fois des formes irrégulières et, dans ses structures, des formes géométriques : « Ce qui me bouleverse dans la contemplation d’une feuille, ce n’est pas seulement la qualité de la forme […], mais c’est que, sous le microscope, toute cette beauté est faite […] d’autres formes à puissance géométrique. »(24) Les deux sources d’inspiration du sculpteur se comprennent ici dans le choix d’une forme géométrique, le cercle, et dans sa « mise en scène », à savoir son mouvement et sa référence céleste. L’œuvre a été acquise par Jean-Philippe et Line Racine en 1981 dans l’exposition personnelle d’André Ramseyer à la Galerie Ditesheim à Neuchâtel(25), en même temps qu’une autre sculpture en bronze : Sphère, datée de 1968 (cat. 12) et également entrée dans la collection du Musée d’art du Valais grâce à la générosité du couple. (21) André Ramseyer, Marcel Joray, André Ramseyer, Neuchâtel : Griffon, 1994, p. 16. (22) Môtiers 1989. Exposition suisse de sculpture, cat. exp., La Chaux-de-Fonds : En Haut, 1989, p. 108. (23) Marcel Joray, André Ramseyer, Neuchâtel : Griffon, 1979, pp. 20-22. (24) Ibidem, p. 12. (25) 20.6.-29.8.1981 in: “André Ramseyer, Aldébaran, sd. (1974)” dans Donation Line et Jean-Philippe Racine au Musée d’art du Valais, dir.: Pascal Ruedin, Sion: Musée d’art du Valais, 2010, pp. 36-37, cat. no. 13.