Sophie O’Connor, 2012 :
Ernest Biéler (1863-1948), La Dzovenna, Bergères, Les moyettes, Les charges, La bisacche, Le mulet, s.d. [ca. 1900/1901], xylographies. Musée d’art du Valais, Sion, achats en 1970, inv. BA 627-632 -La Dzovenna, s.d. (vers 1900/01), xylographie sur papier de couleur (34/37), 24 x 15.5 cm (empreinte), 31.5 x 24 cm (feuille), Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 627, achat en 1970. -Bergères, s.d. [ca. 1900/01], xylographie sur papier de couleur (sans justification de tirage), 11 x 12 cm (empreinte), 18.5 x 28.5 cm (feuille), Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 629, achat en 1970. -Les moyettes, s.d. [ca. 1900/01], xylographie sur papier de couleur (sans justification de tirage), 12 x 15 cm (empreinte), 23.5 x 25.5 cm (feuille), Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 628, achat en 1970. -Les charges, s.d. [ca. 1900/01], xylographie sur papier de couleur (1/20), 14 x 27 cm (empreinte), 24 x 38 cm (feuille), Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 632a, achat en 1970. -La bisacche, s.d. [ca. 1900/01], xylographie sur papier de couleur (sans justification de tirage), 28 x 13.5 cm (eimpreinte), 36.5 x 21.5 cm (feuille), Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 631, achat en 1970. -Le mulet, s.d. [ca. 1900/01], xylographie sur papier de couleur (sans justification de tirage), 26 x 20 cm (empreinte), 21.5 x 28 cm (feuille), Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 630, achat en 1970. Au plus tard pendant l’été 1901 (1) , Ernest Biéler achève six gravures sur bois de fil, représentant des scènes rurales valaisannes. Les titres rédigés en langue vernaculaire – en accord avec la technique artisanale et une esthétique évoquant l’art populaire – décrivent des pratiques et des types sociaux régionaux. La Dzovenna désignait en patois la femme non épousée, soit la jeune fille, soit la vieille fille ; Les moyettes, des meules de foin ou de blé, formées de gerbettes assemblées ; avec La bisacche, ces sacs de toile grossière, l’on bâtait les mulets pour transporter le fumier sur les terres. Au-delà de leur caractère local, ces images traduisent les idées plus générales de travail, de femme-nature, de jeunesse et de solitude. Elles suggèrent également des émotions et des impressions de quiétude, de lenteur et de douce mélancolie. Cela fait alors une année que Biéler a quitté la ville et s’est installé à Savièse. Les registres stylistiques de la peinture à l’huile (impressionnisme, naturalisme, réalisme, symbolisme) auxquels il s’est essayé ne le satisfont plus. Il recherche un procédé plus fidèle à la lumière crue du Valais, ainsi qu’au caractère du pays et de ses habitants. La céramique à figures noires grecque (2) l’aide à développer le graphisme qui, au détriment des nuances de teintes et de tons, favorise la ligne pour exprimer la matière, la texture et le volume des formes – notamment l’âpreté des raccards en bois, la souplesse et la fluidité des différents tissus de laine ou de chanvre qui composent le costume saviésan et celui des sacs des Charges. L’adoption de la tempera et du style Art nouveau pendant l’hiver 1905-06 signe ainsi l’aboutissement de longues recherches menées pour élaborer une nouvelle esthétique. Il les commence autour de 1900, notamment avec ces six xylographies, expérience qu’il ne renouvellera toutefois pas. Marguerite Burnat-Provins (1872-1952) travaillait déjà en ce temps-là à son projet de livre intitulé Petits tableaux valaisans (1903) qu’elle fera illustrer de bois gravés, et c’est elle-même qui aurait conseillé à Biéler de pratiquer la xylographie (3) , technique qu’il aurait apprise auprès du graveur Alexis Forel (4)(1852-1922) . Vers 1890, les initiateurs du primitivisme rural Emile Bernard (1868-1941) et Paul Gauguin (1848-1903) renouvelaient déjà cette technique à partir de l’étude de gravures du Moyen Age, d’imageries populaires, de xylographies des XVe et XVIe siècles et d’estampes japonaises. Aux Japonais et à Félix Vallotton (1865-1925), rencontré en 1880 à l’Académie Julian (5) , Biéler emprunte la manière quasi bidimensionnelle de construire l’espace. De la combinaison de l’asymétrie typiquement nippone avec la perspective occidentale, résultent des procédés insolites pour suggérer la profondeur, perceptibles dans la composition en diagonale des Bergères, des Moyettes et de La Dzovenna, dans le rapport de grandeur entre les figures des Charges et dans les éléments tronqués par les contours d’encadrement. Biéler se sert d’un dessin sur papier transparent de même format que la gravure pour transposer le sujet sur la planche de bois, qu’il taille lui-même au moyen d’une gouge et d’autres outils tranchants. L’artiste détruit toutes les matrices ainsi obtenues, sauf une, un essai préparatoire de La bisacche (6) . Lors du tirage, les saillies encrées s’impriment sur les feuilles, tandis que les parties en creux laissent apparaître la couleur du papier que Biéler choisit brun, brun clair, beige, sable, gris, ivoire, gris vert, vert bleu ou tilleul. Toute la difficulté réside dans la répartition équilibrée et rythmée de ces surfaces et de ces lignes, soit laissées en réserve, soit encrées. Deux de ces gravures portent un numéro qui renseigne sur le nombre de tirages réalisés : vingt pour les Charges et trente-sept, presque le double, pour La Dzovenna. Ce retour aux sources satisfait non seulement les recherches esthétiques et techniques de Biéler, mais également sa quête de sens et de valeurs différents de ceux prônés par la pensée moderne. A la fin du XIXe siècle se forge le mythe – que renforcent les sujets abordés par le peintre – que le paysan valaisan vit en autarcie dans une sorte de pureté originelle préservée de la décadence supposée de la modernité économique et sociale. Plus que de révéler la réalité, ce mythe témoigne des conflits que Biéler et d’autres entretiennent avec les bouleversements du cap du XXe siècle, et de leur refuge dans des mondes réinventés par l’image. 1) Ces gravures portent toutes le monogramme de l’artiste, comme celles de Dürer (1471-1528) et de Vallotton (1865-1925), mais elles ne sont pas datées. Elles figurent sur une photographie prise à l’Exposition cantonale vaudoise en été 1901 à Vevey (Ernest Biéler 2011/2012, p. 122). La Dzovenna, Les Moyettes et Les charges figurent également sur une photographie, prise en décembre 1901 dans l’atelier de Marguerite Burnat-Provins (Lausanne, Bibliothèque cantonale et universitaire, Département des manuscrits, Fonds Ernest Biéler, IS 1908, carton no 22). Voir Jérôme Croisier, « Marguerite Burnat-Provins et l’école de Savièse : la formation d’un langage », dans Marguerite Burnat-Provins 2003, p. 44. 2) Biéler 1953, p. 76. 3) Maurice Jean-Petit-Matile, Ernest Biéler, Lutry, 1976, p. 49. 4) Madeleine Biéler, Quelques souvenirs sur la vie du peintre Ernest Biéler, années 1884-1900, lus à l’inauguration de la fresque de la salle du Grand Conseil à Sion, 7 février 1944, Lausanne, 1945, p. 18. 5) Ernest Biéler 1999, p. 15. 6) La matrice de La bisacche et un dessin des Charges sur papier transparent faisaient partie de la collection François-Hadrien Pétermann à Lausanne (Céline Eidenbenz, « Les gravures sur bois d’Ernest Biéler. Dossier pour servir à la documentation scientifique du Musée cantonal des beaux-arts de Sion », dossier d’œuvre non publié, 2001, Musée d’art du Valais, Sion) in: “Ernest Biéler, La Dzovenna, Bergères, Les moyettes, Les charges, La bisacche, Le mulet, s.d. (vers 1900/1901)”, dans l’Ecole de Savièse. Une colonie d’artistes au coeur des Alpes vers 1900, dir. Pascal Ruedin, Milan : 5 Continents, Sion : Musée d’art, 2012, pp. 118-123. --- Ernest Biéler (1863–1948), -Die Jungfer (la Dzovenna), o. D. (um 1900/01), Holzschnitt auf farbigem Papier (34/37), 24 × 15,5 cm (Druckstock), 31,5 × 24 cm (Blatt), Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 627, Ankauf 1970. Hirtinnen (Bergères), o. D. (um 1900/01), Holzschnitt auf farbigem Papier (ohne Angabe zur Auflage), 11 × 12 cm (Druckstock), 18,5 × 28,5 cm (Blatt), Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 629, Ankauf 1970. -Die Garben (Les moyettes), o. D. (um 1900/01), Holzschnitt auf farbigen Papier (ohne Angabe zur Auflage), 12 × 15 cm (Druckstock), 23,5 × 25,5 cm (Blatt), Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 628, Ankauf 1970. -Die Bürden (Les charges), o. D. (um 1900/01), Holzschnitt auf farbigem Papier (1/20), 14 × 27 cm (Druckstock), 24 × 38 cm (Blatt), Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 632a, Ankauf 1970. -Der Bastsack (La bisacche), o. D. (um 1900/01), Holzschnitt auf farbigem Papier (ohne Angabe zur Auflage), 28 × 13,5 cm, (Druckstock), 36,5 × 21,5 cm (Blatt), Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 631, Ankauf 1970. -Das Maultier (Le mulet), o. D. (um 1900/01), Holzschnitt auf farbigem Papier (ohne Angabe zur Auflage), 26 × 20 cm (Druckstock), 21,5 × 28 cm (Blatt), Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 1568, Ankauf 1970. Spätestens im Winter 1901 (1) vollendete Ernest Biéler 6 Holzschnitte mit ländlichen Walliser Szenen. Die Dialekttitel – in Übereinstimmung mit der handwerklichen Technik und einer an die Volkskunst erinnernden Ästhetik – beschreiben Elemente und Menschentypen der regionalen Gesellschaft. La Dzovenna bezeichnet im Dialekt eine ledige Frau: eine Jungfer oder eine alte Jungfer; Les moyettes sind aufgeschichtete Heu- oder Weizengarben; La bisacche ist ein grober Jutesack, mit dem Maultiere für den Transport von Mist ausgerüstet wurden. Über ihre lokale Eigenheit hinaus vermitteln diese Bilder allgemeinere Ideen, wie Arbeit, die Frau als Verkörperung der Natur, Jugend und Abgeschiedenheit. Sie deuten ausserdem ein Gefühl und den Eindruck von Ruhe, Langsamkeit und leiser Melancholie an. Ein Jahr war bereits vergangen, seit Biéler die Stadt verlassen und sich in Savièse niedergelassen hatte. Die stilistischen Register der Ölmalerei (Impressionismus, Naturalismus, Realismus, Symbolismus), die er ausprobiert hatte, befriedigten ihn nicht mehr. Er suchte nach einem Vorgehen, das dem grellen Licht im Wallis sowie der Eigenheit des Landes und der Einwohner gerechter würde. Die schwarzfigurige Vasenmalerei (2) half ihm, eine grafische Ausdrucksweise zu entwickeln, welche Materie, Textur und Volumen anhand von Linien statt Farb- und Tonnuancen ausdrückt – namentlich die Härte der hölzernen Stadel, die Geschmeidigkeit der fliessenden Woll- und Leinenstoffe der Savièser Tracht und das Heutuch. Der Wechsel zur Temperamalerei und zum Jugendstil, welchen der Künstler im Winter 1905–06 vollzog, war somit das Ergebnis einer langen Suche nach einer neuen Ästhetik. Diese Suche begann um 1900, insbesondere mit der Realisierung von 6 Holzschnitten, eine Erfahrung, die Biéler in der Folge jedoch nicht mehr aufgriff. Zu dieser Zeit arbeitete Marguerite Burnat-Provins (1872–1952) bereits an ihrem Buchprojekt Petits tableaux valaisans (1903), das sie mit Holzschnitten illustrieren liess. Sie habe Biéler geraten, mit dieser Technik (3) zu experimentieren, die er bei Alexis Forel (1852–1922) (4) erlernt hatte. Die Begründer des ländlichen Primitivismus Emile Bernard (1868–1941) und Paul Gauguin (1848–1903) liessen den Holzschnitt bereits 1890 neu aufleben, in Anlehnung an Druckgrafiken aus dem Mittelalter, Volksbilder, Holzschnitte aus dem 15. und 16. Jahrhundert sowie an japanische Druckgrafiken. Biéler entlehnte bei den Japanern und bei Felix Vallotton (1865–1925), den er 1880 an der Akademie Julian (5) kennen gelernt hatte, den nahezu zweidimensionalen räumlichen Aufbau. Aus der Kombination der für die japanische Kunst typischen Asymmetrie und der westlichen Perspektive ergeben sich ungewöhnliche Möglichkeiten zur Andeutung von Tiefe. Dies zeigt sich in der diagonalen Komposition in Hirtinnen, Die Garben und Die Jungfer, im Grössenbezug zwischen den Figuren in Die Bürden und in den von der Umrandung angeschnittenen Elementen. Zur Übertragung des Motivs auf die Holzplatte, welche er selbst mit einem Hohlbeitel und anderen Schneidwerkzeugen bearbeitete, bediente sich Biéler einer Zeichnung auf Transparentpapier im selben Format wie die Grafik. Der Künstler zerstörte alle so hergestellten Druckstöcke, ausser einen: einen vorbereitenden Versuch für Der Bastsack (6). Beim Drucken werden die eingefärbten Stege auf das Papier übertragen, während die hohlen Stellen die Farbe des Papiers erkennen lassen. Biéler wählte folgende Papierfarben: braun, hellbraun, beige, sandfarben, grau, elfenbeinfarben, graugrün, grünblau und lindengrün. Die Schwierigkeit liegt darin, Flächen und Linien, die entweder ausgespart oder eingefärbt werden, ausgeglichen und rhythmisch aufzuteilen. Zwei dieser Druckgrafiken sind nummeriert, was eine Information zur Auflage liefert: 20 im Fall von Die Bürden, 37, beinahe das Doppelte, bei Die Jungfer. Diese Rückkehr zum Ursprung befriedigte nicht nur Biélers ästhetisches und technisches Forschen, sondern auch seine Suche nach einem Sinn und nach Werten, die sich von jenen des modernen Denkens unterschieden. Ende des 19. Jahrhunderts bildete sich der Mythos – welchen die von den Malern behandelten Motive noch bestärkten –, dass die Walliser Bauern in Autarkie lebten, in einer Art ursprünglicher Reinheit, die von der angenommenen Dekadenz der wirtschaftlichen und sozialen Moderne verschont geblieben war. Mehr noch als die Wahrheit zu enthüllen, zeugt dieser Mythos von den Konflikten, die Biéler und andere mit den Umwälzungen am Übergang zum 20. Jahrhundert bestärkten, und von ihrer Zuflucht in Welten, die im Bild neu erfunden wurden. 1) Diese Holzschnitte tragen alle das Monogramm des Künstlers, wie jene von Dürer (1471–1528) und Vallotton (1865–1925), sind aber nicht datiert. Sie sind auf einer Fotografie zu sehen, die an der Waadtländer Kantonsausstellung in Vevey im Sommer 1901 entstanden ist (Ernest Biéler 2011/2012, S. 122). Die Jungfer, Die Garben und Die Bürden sind zudem auf einer Fotografie zu erkennen, die im Dezember 1901 im Atelier von Marguerite Burnat-Provins (1872–1952) entstanden ist (Lausanne, Bibliothèque cantonale et universitaire, Département des manuscrits, Fonds Ernest Biéler, IS 1908, Karton Nr.°22). Siehe Jérôme Croisier, «Marguerite Burnat-Provins et l’école de Savièse: la formation d’un langage», in: Marguerite Burnat-Provins 1872-1952. De l’Art nouveau à l’art hallucinatoire, Ausst.-Kat., Gingins, Fondation Neumann, 2003, S. 44. 2) Madeleine Biéler, Ernest Biéler. Sa vie, son œuvre, Lausanne, 1953, S. 76. 3) Maurice Jean-Petit-Matile, Ernest Biéler, Lutry, 1976, S. 49. 4) Madeleine Biéler, Quelques souvenirs sur la vie du peintre Ernest Biéler, années 1884-1900, lus à l’inauguration de la fresque de la salle du Grand Conseil à Sion, 7 février 1944, Lausanne, 1945, S. 18. 5) Ernest Biéler 1863-1948. Du réalisme à l’Art nouveau / Ernest Biéler 1863-1948. Vom Realismus zum Jugendstil, Hrsg. von Jörg Zutter und Catherine Lepdor, Ausst.-Kat., Lausanne, Musée cantonal des beaux-arts, Kunstmuseum Solothurn, 1999, S. 15. 6) Der Druckstock von Der Bastsack sowie eine Zeichnung auf Transparentpapier für Die Bürden gehörten zur Sammlung François-Hadrien Pétermann in Lausanne (Céline Eidenbenz, «Les gravures sur bois d’Ernest Biéler. Dossier pour servir à la documentation scientifique du Musée cantonal des beaux-arts de Sion», Werkdossier unveröffentlicht, 2001, Kunstmuseum Wallis, Sitten) in: “Ernest Biéler, Die Jungfer (La Dzovenna), Hirtinnen (Bergères), Die Garben (Les moyettes), Die Bürden (Les Charges), Der Bastsack (La Bisacche), Das Maultier (Le Mulet), undatiert (um 1900/01)”, dans Die Schule von Savièse. Eine Künstlerkolonie in den Alpen um 1900, Leit. Pascal Ruedin, Milan : 5 Continents, Sitten : Kunstmuseum, 2012, S. 118-123.