Ernest Biéler (1863 - 1948, peintre, dessinateur, verrier, mosaïste, illustrateur )
Les croix bleues / Die blauen Kreuze
(Le cimetière)


Picture

Julie Eggel, 2012 :

Ernest Biéler (1863-1948), Les croix bleues, s.d. (vers 1906), gouache, aquarelle et crayon sur papier, 55 x 89,5 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 1552, don de la Fondation Michel Lehner en 2000 Ernest Biéler présente à Genève, lors de la 18e Exposition de la Société suisse des aquarellistes en 1907, plusieurs œuvres réalisées en Valais. Parmi elles se trouve une vue du cimetière du village de Saint-Germain, chef-lieu de la commune de Savièse. Intitulé Les croix bleues (1), le tableau ne suscite pas l’intérêt de la presse genevoise, qui lui préfère alors les « types saviésans (2)» (cat. p. 166) de l’artiste. Les croix bleues ne le cèdent pourtant en rien aux visages pittoresques : elles constituent aussi une vision relevant de l’« exotisme intérieur ». Elles pourraient illustrer le texte suivant de Marguerite Burnat-Provins (1872-1952) dans son livre intitulé Petits Tableaux valaisans, paru en 1903 : « Toute la coquetterie lamentable, la puérilité douloureuse des ornements funéraires est dans ce Cimetière de paysans creusé au pied de l’Alpe énorme et triomphante (3) ! ». Dans le cimetière jouxtant l’église paroissiale de Savièse, au milieu de massifs épars d’iris, de buissons et d’herbes folles, se dressent toute une variété de croix en bois, aux formes et aux finitions inégales. Certaines sont simples, dépourvues d’auvent, tandis que d’autres sont délicatement sculptées et décorées. Trois croix se distinguent de l’ensemble : contrairement à celles qui surmontent d’autres sépultures, elles sont uniformément peintes en bleu et sont parées de couronnes végétales ou enrubannées. Des ornements, en fil de fer et en perles, finement ouvragés, sont également fixés en leur centre. Ces particularités, ajoutées à l’absence de végétation sur les monticules de terre, indiquent que les inhumations sont récentes. Cela explique la présence d’un petit bol, au pied de la seconde croix ; il est destiné à contenir de l’eau consacrée, dans laquelle un rameau est trempé pour bénir la tombe (4). La couleur bleue n’est pas une invention de l’artiste. Elle était réservée aux sépultures des enfants ou des célibataires, afin de les distinguer des inhumations des personnes adultes ou mariées (5). Le titre du tableau souligne ainsi cette particularité chromatique et culturelle, également représentée par plusieurs artistes résidant en Valais à cette époque (cat. p. 212). Biéler est toutefois l’un des seuls à montrer le cimetière comme un sujet autonome et à en souligner l’aspect proprement pictural. C’est à peine si l’église, vers laquelle les croix sont tournées, apparaît, au-delà du mur d’enceinte. Plus encore, les croix, dans la quiétude de leur écrin végétal, vont jusqu’à perdre leur caractère funèbre. Un tel parti se retrouve dans la planche hors-texte décorative qui illustre le texte cité ci-dessus des Petits tableaux valaisans (1903) de Burnat-Provins et qui montre deux croix bleues enfouies parmi les iris violacés. Dans cette œuvre, Biéler saisit l’atmosphère sereine du cimetière. Planté au milieu des croix, il donne une vision presque intemporelle de l’enclos des morts. Fasciné par le caractère décoratif du lieu, il est aussi sensible à la puissance de la Nature qui engloutit l’homme et l’intègre de force dans son ordre éternel. (1) XVIIIème Exposition de la Société suisse d’aquarellistes, Genève, Salle Thellusson, 4-31 mars1907, no 38. (2) Gaspard Vallette, « Beaux-Arts. Les aquarellistes suisses à Genève », dans Journal de Genève, 9 mars 1907. (3) Marguerite Burnat-Provins, « Le cimetière », dans Petits Tableaux valaisans, Vevey, 1903, p. 39. (4) Entretien avec Thomas Antonietti, ethnologue et conservateur du Département d’histoire contemporaine au Musée d’histoire du Valais, Sion, 17 décembre 2010. (5) Ibid in: “Ernest Biéler, Les croix bleues, s.d. (vers 1906)”, dans L’Ecole de Savièse. Une colonie d’artistes au coeur des Alpes vers 1900, dir. Pascal Ruedin, Milan : 5 Continents, Sion : Musée d’art, 2012, pp. 182-183. --- Ernest BIÉLER(1863–1948), Die blauen Kreuze, o. D. (um 1906), Gouache, Aquarell und Bleistift auf Papier, 55 × 89,5 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 1552, Schenkung der Michel-Lehner-Stiftung 2000 Ernest Biéler präsentierte 1907 in Genf an der 18. Ausstellung der Gesellschaft schweizerischer Aquarellmaler mehrere Werke, die er im Wallis gemalt hatte. Darunter befand sich eine Ansicht des Friedhofs von Saint-Germain, einem Weiler der Gemeinde Savièse. Das Bild mit dem Titel Die blauen Kreuze(1) vermochte damals das Interesse der Genfer Presse nicht zu erregen; diese gab stattdessen den Savièser Porträts(2) (Kat. S. 166) des Künstlers den Vorzug. Das Bild Die blauen Kreuze steht den ausdrucksstarken Köpfen aber in nichts nach: Ist es doch eine weitere Form eines gewissen inneren Exotismus. Es könnte der Illustration des folgenden Texts aus Marguerite Burnat-Provinsʼ (1872–1952) 1903 erschienenem Buch Petits tableaux valaisans (etwa: kleine Walliser Bilder) dienen: «Die ganze erbärmliche Koketterie, die schmerzhafte Kindlichkeit des Grabschmucks liegt in diesem Bauernfriedhof, am Fuss der grossartigen, triumphierenden Alpe!»(3). Auf dem Friedhof gegenüber der Gemeindekirche von Savièse, zwischen verstreuten Schwertlilienbeeten, Sträuchern und Gras stehen eine Vielzahl verschiedener Holzkreuze unterschiedlicher Form und Ausarbeitung. Einige sind ganz einfach, ohne Schutzdach, andere wiederum fein geschnitzt und verziert. Drei Kreuze heben sich von den restlichen ab: Sie sind blau angemalt und mit Kränzen oder Bändern geschmückt. Kunstvolle Verzierungen aus Draht und Perlen sind in der Kreuzmitte angebracht. Diese Besonderheiten sowie das Fehlen von Bewuchs auf den Erdhaufen weisen darauf hin, dass die Begräbnisse erst vor Kurzem stattgefunden haben. Dies erklärt ausserdem die Gegenwart einer kleinen Schüssel beim zweiten Kreuz; sie enthält Weihwasser und einen Zweig, mit dem das Grab gesegnet werden kann(4). Die blaue Farbe ist keine Erfindung des Künstlers. Sie war Gräbern von Kindern und Ledigen vorbehalten, um sie von den Gräbern Erwachsener und Verheirateter zu unterscheiden(5). Der Titel des Bildes unterstreicht somit diese farbliche und kulturelle Besonderheit, die von mehreren Künstlern, die damals im Wallis arbeiteten, dargestellt wurde (Kat. S. 212). Biéler zeigt hingegen als einer der einzigen den Friedhof als eigenständiges Motiv und betont dessen eigentlichen malerischen Aspekt. Die Kirche, nach der die Kreuze ausgerichtet sind, ist hinter der Friedhofmauer nur knapp zu sehen. Mehr noch: Den Kreuzen kommt, an diesem ruhigen Ort inmitten der Pflanzen, ihre Eigenschaft als Grabmarkierung abhanden. So ist es auch in der höchst dekorativen Tafel zur Illustration des eingangs zitierten Textes aus dem Buch Petits tableaux valaisans (1903) von Marguerite Burnat-Provins: zwei blaue Kreuze inmitten violetter Lilien(6). In diesem Werk erfasst Biéler die beschauliche Atmosphäre des Friedhofs. Umgeben von Kreuzen schildert er eine beinahe zeitlose Sicht dieses Ortes. Fasziniert von dessen dekorativer Eigenschaft ist er ausserdem offen für die Kraft der Natur, welche den Menschen einschliesst und ihn gewaltsam in ihre ewige Ordnung integriert. (1) XVIIIème Exposition de la Société suisse d’aquarellistes, Genf, Salle Thellusson, 4.-31.3.1907, Nr. 38. (2) Gaspard Vallette, «Beaux-Arts. Les aquarellistes suisses à Genève», in: Journal de Genève, 9.3.1907. (3) Marguerite Burnat-Provins, «Le cimetière», in: Petits tableaux valaisans, Vevey, 1903, S. 39. (4) Gespräch mit Thomas Antonietti, Ethnologe und Konservator für zeitgenössische Geschichte des Walliser Geschichtsmuseums, Sitten, 17.12.2010. (5) Ebenso. (6) Marguerite Burnat-Provins, Petits Tableaux Valaisans, Vevey, 1903 in: “Ernest Biéler, Die blauen Kreuze, undatiert (um 1906)” in Die Schule von Savièse. Eine Künstlerkolonie in den Alpen um 1900, Leit. Pascal Ruedin, Milan : 5 Continents, Sitten : Kunstmuseum, 2012, S. 182-183.