Miquel Barcelo (* 1957, peintre, dessinateur, graveur, sculpteur, céramiste)
Crâne, melon, poisson / Schädel, Melone, Fisch


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David Zagoury, 2018 :

Miquel Barceló (*1957), Crânes, melon, poisson, 1995, technique mixte sur papier collé sur toile, 175 x 120 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 2361, dépôt d’une collection privée en 1998 C’est dans un rutilant magma de peinture, de pâte et de matériaux organiques que nous emporte ici, Miquel Barcelò, l’« enfant terrible » du renouveau pictural espagnol des années 1980. Crânes, melon, poisson appartient au genre séculaire de la nature morte, que l’artiste s’est appliqué à revisiter en peinture dès le début des années 1990, et qu’il pousse ici aux limites de l’abstraction gestuelle. Exploration minutieuse des apparences fugitives du monde végétal et animal, la nature morte est aussi le genre privilégié de la vanitas et du momento mori, méditations sur le passage du temps et la finitude — thématiques centrales de Barceló depuis ses débuts. En effet, pour sa première exposition personnelle en 1976 intitulée Cadaverina 15, il avait montré 225 boîtes contenant de la nourriture (poivrons, riz, bananes, fleurs, coeur, foie, oeufs) dont le spectateur contemplait de jour en jour la pourriture et la décomposition. Il s’agissait déjà, pour lui, de « curieuses natures mortes » en forme de « peinture amalgamée à de la nourriture »(1). L’époque de Crânes, melon, poisson est ainsi marquée par la reprise de cette réflexion, comme en témoignent les propos de l’artiste en 1990 : « Ce n'est pas vraiment une nature morte, c'est une soupe, quelque chose qui bouge »(2). Aussi réapparaît la métaphore culinaire qui ponctue le travail de celui qui parle volontiers de ses œuvres comme « potage », « viandes mal cuites », « nouilles ahuries », et considère l’acte de peindre comme analogue à la préparation d’une paëlla(3). Il offre ainsi sa propre lecture du bodegón de la renaissance, tradition proprement espagnole de la nature morte qui se concentre sur les plaisirs de la table. Barceló intervient cependant en renversant la dynamique de la figuration : il mêle à ses pigments des matériaux organiques tirés de l’objet même qu’il représente, et laisse s’opérer l’oxydation à même la toile. Ainsi a-t-il pu utiliser, au fil de sa carrière, des cendres volcaniques, des limons fluviaux, du jus et des pépins de fruits, mais également, lors de son séjour en Afrique, des ossements et des crânes animaux et même humains(4). Le travail de Barceló est donc, comme l’écrit le philosophe Jean-Luc Nancy, essentiellement « matière première » . Portant son sujet directement sur la toile, il fait acte de transsubstantiation, rappelant le collage alors même que selon lui « un collage, c’est un coup de pinceau »(5). Ainsi Crânes, melon, poisson nous donne à voir sur sa surface un mégot de cigarette, vestige éventuel du labeur de l’artiste, et une mouche morte, évocatrice ultime de la vanitas. La toile est aussi percée, comme un témoignage de la violence créatrice — aussi Hervé Guibert avait-il appelé Barceló un « bourreau de son œuvre »(6). Travaillant à plat, tel Pollock qui l’influença, Barceló moule aussi des formes en relief à la frontière de la sculpture, comme par accrétion. Il semble alors que la toile entre en croissance, et que dans le mouvement giratoire d’un univers héraclitéen (« toujours changeant » dit Barceló(8)) sa nature morte est en vérité au seuil de la germination. 1) Interview avec Sylvie Coudert, dans Miquel Barceló : Peintures de 1983 à 1985, cat. exp., Bordeaux, Musée d'art contemporain, 1985, p. 81. 2) Daniel Abadie (dir.), Miquel Barceló, Paris, Galerie Nationale du Jeu de Paume & Centre Georges Pompidou, 1996, p. 54. 3) Mercedes Replinger, « Miquel Barceló », in De Picasso à Barceló : Les artistes espagnols, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2002, p. 222. 4) Caroline Edde, « Les natures mortes », in Miquel Barceló : Mapamundi, Saint-Paul, Fondation Maeght, 2002, p. 86. 5) Jean-Luc Nancy, « Matière première », in Miquel Barceló : Mapamundi, Saint-Paul, Fondation Maeght, 2002, pp. 17-27. 6) Sylvie Couderc, « Biographie », Miquel Barceló : Peintures de 1983 à 1985, Bordeaux, Musée d'art contemporain, 1985, p. 83. 7) Hervé Guibert, cité dans « Miquel Barceló »,in Nouveau dictionnaire des artistes contemporains, Paris, Larousse, 2005, p. 13. 8) Daniel Abadie (dir.), op. cit., p. 54. --- Miquel Barceló (*1957), Schädel, Melone, Fisch, 1995, Mischtechnik auf Papier auf Leinwand, 175 x 120 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 2361, Leihgabe einer Privatsammlung 1998 Miquel Barceló, «Enfant terrible» der spanischen Erneuerung der Malerei in den 1980er-Jahren, führt uns hier in ein funkelndes Durcheinander aus Farbe, Teig und organischen Stoffen. Schädel, Melone, Fisch gehört zur uralten Gattung des Stilllebens, die der Künstler seit den frühen 1990er-Jahren in der Malerei neu zu deuten sucht und hier bis an die Grenzen der gestischen Abstraktion treibt. Das Stillleben ist nicht nur eine eingehende Erkundung des flüchtigen Scheins der Pflanzen- und Tierwelt, sondern auch das Lieblingsgenre der Vanitas und des Memento mori, Meditationen über das Verrinnen der Zeit und die Endlichkeit, die von Anfang an zu Barcelós Hauptthemen gehören. In seiner ersten Einzelausstellung mit dem Titel Cadaverina 15 im Jahr 1976 hatte er 225 Dosen gezeigt, die Lebensmittel (Peperoni, Reis, Bananen, Blumen, Herz, Leber, Eier) enthielten, deren Fäulnis und Zersetzung der Betrachter von Tag zu Tag beobachten konnte. Schon damals handelte es sich für ihn um «seltsame Stillleben» in Form einer «mit Nahrung verbundenen Malerei»(1). Die Zeit von Schädel, Melone, Fisch ist somit durch die Wiederaufnahme dieser Reflexion geprägt, wie die Äusserungen des Künstlers von 1990 zeigen: «Es ist nicht wirklich ein Stillleben, es ist eine Suppe, etwas bewegt sich.»(2) Man findet hier die kulinarische Metapher wieder, welche die Arbeit dessen betont, der seine Werke gerne als «Suppe», «schlecht gebratenes Fleisch» oder «verblüffte Nudeln» bezeichnet und den Malakt mit der Zubereitung einer Paella vergleicht(3). So bietet er seine eigene Deutung des bodegón der Renaissance, einer typisch spanischen Tradition des Stilllebens, die sich auf die Tafelfreuden konzentriert. Barcelós Intervention kehrt jedoch die Dynamik der Figürlichkeit um: Er mischt seine Pigmente mit organischen Stoffen des von ihm dargestellten Objekts und lässt die Oxidierung direkt auf der Leinwand stattfinden. So verwendete er im Lauf seiner Tätigkeit Vulkanasche, Flussschlamm, Obstsaft und Obstkerne, aber auch bei seinem Aufenthalt in Afrika tierische und sogar menschliche Knochen und Schädel(4). Barcelós Arbeit ist also, wie der Philosoph Jean-Luc Nancy schreibt, im Wesentlichen «Rohstoff»(5) Indem er sein Sujet direkt auf die Leinwand setzt, vollzieht er eine Wesensverwandlung, die an die Collage erinnert, obwohl laut ihm «eine Collage ein Pinselstrich ist»(6) . So zeigt uns Schädel, Melone, Fisch auf seiner Oberfläche einen Zigarettenstummel, mögliches Zeugnis der Anstrengung des Künstlers, und eine tote Fliege, letzte Anspielung auf die Vanitas. Zudem ist die Leinwand als Zeugnis der schöpferischen Gewalt durchlöchert, wie denn auch Hervé Guibert Barceló einen «Henker seines Werkes»(7) nennt. Indem der Künstler wie Jackson Pollock, der ihn beeinflusste, flach auf dem Boden arbeitet, modelliert er auch Reliefformen, die der Skulptur nahestehen, als wären es Anlagerungen. Auf diese Weise erweckt das Bild den Anschein, es wachse, als ob in der Kreisbewegung einer heraklitischen Welt («stets im Wandel» sagt Barceló(8)) sein Still-Leben in Wirklichkeit kurz vor dem Keimen stünde. 1) Interview durch Sylvie Coudert, in Miquel Barceló: Peintures de 1983 à 1985, Ausst.-Kat., Bordeaux: Musée d’art contemporain 1985, S. 81. 2) Daniel Abadie (Hg.), Miquel Barceló, Paris: Galerie Nationale du Jeu de Paume & Centre Georges Pompidou 1996, S. 54. 3) Mercedes Replinger, «Miquel Barceló», in De Picasso à Barceló: Les artistes espagnols, Martigny: Fondation Pierre Gianadda 2002, S. 222. 4) Caroline Edde, «Les natures mortes», in Miquel Barceló: Mapamundi, Saint-Paul: Fondation Maeght 2002, S. 86. 5) Jean-Luc Nancy, «Matière première», in Miquel Barceló: Mapamundi, a. a. O., S. 17–27. 6) Sylvie Couderc, «Biographie», Miquel Barceló: Peintures de 1983 à 1985, a. a. O., S. 83. 7) Hervé Guibert, zit. nach «Miquel Barceló», in Nouveau dictionnaire des artistes contemporains, Paris: Larousse 2005, S. 13. 8) Daniel Abadie (Hg.), Miquel Barceló, a. a. O., S. 54.