Sophie Calle (* 1953, artiste plasticienne, photographe, femme de lettres, réalisatrice)
There was a man I like (texte d'accompagnement)


Picture

David Zagoury, 2018 :

Sophie Calle (*1953), There was a man I like, s.d (1988), diptyque, tirage photographique noir-blanc, 170 x 100.2 cm et 50.2 x 50.2. cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 2348 a-b, dépôt d’une collection privée en 1998 L’ œuvre de la Française Sophie Calle est alimenté par sa propre vie. Autobiographe de l’inattendu, « artiste à la première personne »(1), elle consigne dans l’art ses plus menus agissements, ses lubies, ses enquêtes, au moyen du film, de la photographie et de l’écrit. En 1981 avec La filature, elle demandait à sa mère d’engager un détective privé pour relever ses moindres faits et gestes ; dans le film Double Blind(2), elle révélait les images de son idylle catastrophique avec l’artiste Gregory Shephard. Le présent diptyque, There was a man I like(3), est issu de la série True Stories (Des histoires varies) initiée en 1988. L’artiste y confie 30 épisodes marquants de sa vie sentimentale par autant de vignettes composées d’une photographie et d’un bref texte. Ce travail a également été publié sous forme de livre illustré donnant lieu à des rééditions augmentées, tel un journal intime public constamment mis à jour(4). Dans le présent épisode, elle livre l’anecdote condensée d’une relation fugace : «Cet homme me plaisait, mais lors de notre première nuit d’amour j’eus peur de le regarder. Je croyais encore aimer Greg et je craignais d’être envahie par l’idée que l’homme qui était dans mon lit n’était pas le bon. J’ai préféré fermer les yeux. Dans le noir l’incertitude subsistait. J’eus un jour la maldresse de lui dire pourquoi, au lit, je gardais les paupières closes. Il ne laissa rien transparaître de ses pensées. Quelques mois plus tard, enfin débarassée du fantôme de Greg, j’ai ouvert les yeux, sûre désormais que c’était lui que je voulais voir. Je ne savais pas que ce serait notre dernière nuit : il allait me quitter. Ce qui arrive possède une telle avance que nous ne pouvons jamais le rejoindre et connaître sa véritable apparence. »(5) L’« histoire vraie » se voit flanquée d’un portrait cyclope de Calle elle-même, appuyé contre le mur à la manière d’une planche de John McCracken. L’œuvre sert de vitrine à ses stigmates, et par là tente une sublimation de ceux-ci. Si l’on peut penser aux autoportraits à l’oreille mutilée de Van Gogh, l’intention s’inscrit aussi dans la tradition des premiers artistes de la performance, dont l’objectif était la confusion totale de l’art et de la vie, de l’artiste et de l’œuvre. Or Calle se démarque du réalisme absolu par l’emploi équivoque de la stylisation : le texte, vu l’aphorisme qui lui sert de conclusion, confine à la romance; de même, la photographie est esthétisée, moins descriptive que suggestive. Calle brouille ainsi les pistes entre exhibitionnisme et auto-fiction. Si le format peut évoquer le documentaire, son récit s’apparente tout autant au conte, tant il reproduit un topos du roman d’amour triangulaire — on pense par exemple au récit dit de la « Folie de Tristan » où le héros abandonne Yseut sur un soupçon d’infidélité alors même que celle-ci allait dissiper le malentendu(6) ; de même le thème des yeux fermés évoque une Belle aux bois dormant inversée. Par ces dispositifs ambivalents, Calle se joue de la frontière entre ostentation et dissimulation, entre dévoilement et mystère. (1)Alfred Pacquement, Sophie Calle : M'as-tu vue, Paris, Centre Pompidou/Ed. Xavier Barral, 2003, p. 15. (2)Double Blind (titre alternatif : No Sex Last Night), en collaboration avec Gregory Shephard, 75 mn., 1992. (3)La version originale de cette œuvre est en français, toutefois elle a également été exposée et commercialisée en version anglaise, comme en témoigne l’objet possédé par le Musée d’Art du Valais. (4)Sophie Calle, Des histoires vraies, Arles et Toulouse, Actes Sud et Galerie Sollertis, 1994. Rééditions en 2002, 2011, 2012 et 2013 chez Actes Sud. (5)Sophie Calle, op. cit, p. 62. (6)Philippe Ménard, De Chrétien de Troyes au "Tristan en prose" : études sur les romans de la Table ronde, Genève, Droz, 1999, p. 131. --- Sophie Calle (*1953), There was a man I like, o. D. (1988), Diptychon, Schwarzweiss-Fotoabzüge, 170 x 100.2 cm und 50.2 x 50.2 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 2348 a-b, Leihgabe einer Privatsammlung 1998 Das Werk der Französin Sophie Calle leitet sich aus ihrem eigenen Leben ab. Die Autobiografin des Unerwarteten, «Künstlerin in der Ich-Form»(1), hält in der Kunst ihre kleinsten Winkelzüge, ihre Marotten und ihre Untersuchungen in Film, Fotografie und Schrift fest. Mit Die Beschattung bat sie 1981 ihre Mutter, einen Privatdetektiv anzustellen, um ihre geringsten Taten und Gesten zu notieren; im Film Double Blind(2) präsentierte sie die Bilder ihrer katastrophalen Idylle mit dem Künstler Gregory Shephard. Das vorliegende Diptychon, There was a man I like(3), stammt aus der 1988 begonnenen Serie True Stories (Des histoires varies). In ihr schildert die Künstlerin dreissig prägende Episoden aus ihrem sentimentalen Leben in ebenso vielen Vignetten, die aus einer Fotografie und einem kurzen Text bestehen. Diese Arbeit wurde ebenfalls in Form eines illustrierten Buchs publiziert, das wie ein ständig aktualisiertes Tagebuch in mehreren, jeweils erweiterten Neuauflagen erschien(4). In der vorliegenden Episode erzählt sie in geraffter Form die Geschichte einer flüchtigen Beziehung: «Dieser Mann gefiel mir, doch in unserer ersten Liebesnacht hatte ich Angst, ihn zu betrachten. Ich glaubte noch Greg zu lieben, und ich fürchtete, von der Idee überwältigt zu werden, der Mann in meinem Bett sei nicht der Richtige. So schloss ich lieber die Augen. In der Dunkelheit blieb der Zweifel bestehen. Eines Tages war ich so taktlos, ihm zu gestehen, warum ich im Bett die Augen geschlossen hielt. Er verriet nichts von seinen Gedanken. Als ich ein paar Monate später endlich von Gregs Phantom befreit war, öffnete ich die Augen, da ich nun sicher war, dass er es war, den ich sehen wollte. Ich wusste nicht, dass es unsere letzte Nacht sein würde: Er sollte mich verlassen. Was geschieht, besitzt einen solchen Vorsprung, dass wir es nie einholen und sein wahres Aussehen erkennen können.»(5) Die «wahre Geschichte» wird begleitet von einem kyklopischen Porträt, das Calle selber darstellt, wie sie in der Art einer Platte von John McCracken an der Wand lehnt. Das Werk dient als Schaufenster für ihre Verwundungen und sucht somit diese zu sublimieren. Wenn man an van Goghs Selbstbildnisse mit dem verbundenen Ohr denkt, stellt sich diese Intention auch in die Tradition der frühen Performance-Künstler, welche die totale Vermischung von Kunst und Leben, Künstler und Werk anstrebten. Calle unterscheidet sich jedoch vom absoluten Realismus durch den vieldeutigen Einsatz der Stilisierung: Der Text kommt, wie der als Schlussfolgerung dienende Aphorismus zeigt, einer Romanze nahe, und die Fotografie ist ästhetisiert, weniger deskriptiv als suggestiv. So verwischt Calle die Spuren zwischen Exhibitionismus und Autofiktion. Auch wenn das Format an Dokumentation erinnert, gleicht ihre Erzählung genauso dem Märchen, so stark reproduziert sie einen Topos des Dreiecks-Liebesromans – man denke beispielsweise an den Bericht von «Tristans Wahnsinn», in dem der Held Isolde verstösst, da er sie der Untreue verdächtigt, obwohl sie dabei war, das Missverständnis zu zerstreuen(6); in ähnlicher Weise spielt das Motiv der geschlossenen Augen auf eine umgekehrte Dornröschen-Situation an. Gestützt auf diese vieldeutigen Anordnungen, treibt Calle ihr Spiel mit der Grenze zwischen Zurschaustellung und Verschleierung, Enthüllung und Mysterium. (1)Alfred Pacquement, Sophie Calle: M'as-tu vue, Paris: Centre Pompidou & Ed. Xavier Barral 2003, S. 15. (2)Double Blind (Alternativtitel: No Sex Last Night), in Zusammenarbeit mit Gregory Shephard, 75 Min., 1992. (3)Die Originalfassung dieses Werkes ist in Französisch, doch wurde es auch in englischer Fassung ausgestellt und vermarktet, wie das im Besitz des Kunstmuseums Wallis befindliche Objekt belegt. (4)Sophie Calle, Des histoires vraies, Arles und Toulouse: Actes Sud und Galerie Sollertis 1994. Neuauflagen 2002, 2011, 2012 und 2013 im Verlag Actes Sud. (5)Sophie Calle, a. a. O., S. 62. (6)Philippe Ménard, De Chrétien de Troyes au "Tristan en prose": études sur les romans de la Table ronde, Genf: Droz 1999, S. 131.