Claude-Alain Künzi et Pascal Ruedin, 2012 :
Ernest Biéler (1863-1948), Mère et enfant, 1907, gouache, aquarelle et crayon sur papier contrecollé sur carton, 69,5 x 90 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 1554, don de la Fondation Michel Lehner en 2000. À partir de 1906, Ernest Biéler développe pour ses œuvres valaisannes, rurales et idéalisantes, un style linéaire et une peinture privilégiant les effets de matité de l’aquarelle, de la gouache et de la tempera. Il attache ainsi sa production régionaliste et son intérêt pour l’art et la vie populaires à la mouvance cosmopolite, raffinée et urbaine de l’Art nouveau. Mère et enfant fait partie de ce groupe ; elle représente une femme en costume de Savièse berçant son bébé devant une table en bois, dite « valaisanne », dont la ceinture est sculptée de motifs décoratifs et de lettres capitales, probablement les initiales de ses premiers propriétaires. L’œuvre est traitée de façon graphique et bidimensionnelle. Le modelé, habituellement utilisé pour donner l’illusion du volume, est remplacé par des aplats. Les lignes et les surfaces, en particulier celles des tissus, sont exploitées, non pour exprimer des matières, mais pour exalter avec virtuosité des qualités décoratives inspirées de l’artisanat paysan. La composition est pleinement maîtrisée : les figures sont comprises dans un schéma géométrique pyramidal, mais les anatomies et les vêtements dessinent un réseau dynamique de lignes fluides et d’arabesques. Depuis le plat en faïence et le pain de seigle en haut à gauche, le regard descend en arc de cercle sur les figures jusqu’à l’angle inférieur droit de la composition. A ce segment d’arc répond celui qui épouse la douce inclinaison du dos et de la tête de la mère. Les visages opposés en vis-à-vis forment le point fort de la composition. L’artiste confronte cette partie souple et douce avec les lignes sévères de la table et avec l’encadrement. Dessiné par Biéler et exécuté par un artisan menuisier, le cadre en bois naturel souligne le caractère rural du sujet, mais son profil raffiné en fait aussi un objet décoratif approprié pour un salon bourgeois. En accord avec son regard de citadin, Biéler idéalise la paysannerie. Il lui fait porter un message à prétention universelle : celui d’une société encore reliée au pur état de nature et, à ce titre, garante de valeurs éternelles, comme la continuité familiale et la douceur maternelle. Ce processus passe par une détemporalisation du sujet : d'une part au travers d’une apparente dépersonnalisation du style ; et d'autre part au travers de citations plus ou moins transparentes de thèmes classiques de l'histoire de l'art. Tel tableau évoque les trois Grâces mythologiques, tel autre la parabole chrétienne du bon berger. Dans le cas de Mère et enfant, c'est un thème religieux particulièrement courant qui est invoqué : celui de la Vierge à l'Enfant, de nature à ennoblir le sujet, l’artiste et les valeurs que l’Ecole de Savièse cherche à communiquer. in: “Ernest Biéler, Mère et enfant, 1907”, dans L’Ecole de Savièse. Une colonie d’artistes au coeur des Alpes vers 1900, dir. Pascal Ruedin, Milan : 5 Continents, Sion : Musée d’art, 2012, pp. 170-171. --- Ernest BIÉLER (1863–1948), Mutter und Kind, 1907, Gouache, Aquarell und Bleistift auf Papier, auf Karton aufgezogen; 69,5 × 90 cm Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 1554, Schenkung der Michel-Lehner-Stiftung 2000. Ab 1906 entwickelte Ernest Biéler für seine ländlichen und idealisierenden Walliser Werke einen linearen Stil und eine Malerei, welche der matten Wirkung von Aquarell, Gouache und Tempera den Vorzug gab. Somit stellte er seine regionalistische Produktion, sein Interesse für die Volkskunst und das Leben der Leute in Verbindung mit dem Jugendstil, einer kosmopolitischen, raffinierten, städtischen Bewegung. Das Bild Mutter und Kind gehört zu diesen Werken; es zeigt eine Frau in Savièser Tracht, die ihr Kind wiegt. Sie sitzt dabei vor einem hölzernen, so genannten Walliser Tisch, auf dessen Zargen dekorative Motive sowie Grossbuchstaben geschnitzt sind, wahrscheinlich die Initialen der ersten Besitzer des Möbels. Das Werk ist grafisch und zweidimensional gestaltet. Die Modellierung, die üblicherweise verwendet wird, um eine Illusion von Volumen wiederzugeben, wurde hier durch Farbflächen ersetzt. Die Linien und Flächen, insbesondere die Stoffe, stellen nicht etwa das Material dar, sondern vermitteln virtuos dekorative Qualitäten, inspiriert vom bäuerlichen Handwerk. Die Komposition ist komplett durchdacht: Die Figuren sind nach einem pyramidenförmigen, geometrischen Schema angeordnet, doch Anatomie und Kleider zeichnen ein dynamisches Netz fliessender Linien und Arabesken. Ausgehend von der Steingutschüssel und dem Roggenbrot oben links wird der Blick des Betrachters in einem Kreisbogen auf die Figuren und bis zur unteren rechten Ecke der Komposition gelenkt. Diesem Kreissegment entsprechen der leicht gebogene Rücken und der Kopf der Mutter. Die Stärke der Komposition liegt in den einander gegenüber gestellten Gesichtern. Der Künstler stellt diesem weichen, sanften Bildteil die strengen Linien des Tisches und den Rahmen gegenüber. Den Rahmen hatte Biéler selbst entworfen und von einem Schreiner anfertigen lassen. Er ist aus naturbelassenem Holz und unterstreicht noch die ländliche Eigenart des Motivs. Das anspruchsvolle Profil macht daraus zudem ein dekoratives Objekt, das auch in eine bürgerliche Stube passte. Als Stadtmensch idealisierte Biéler das Leben der Bauern. Er vermittelt dadurch eine Botschaft mit universalem Anspruch: Eine Gesellschaft, die sich noch im natürlichen Urzustand befindet und daher ewige Werte aufrecht erhält, wie den Fortbestand der Familie und mütterliche Zärtlichkeit. Dies erfolgt einerseits aufgrund einer zeitlichen Loslösung des Motivs durch eine offensichtliche stilistische Entfremdung, anderseits durch eine mehr oder weniger deutliche Berufung auf klassische Themen der Kunstgeschichte. So verweist eines seiner Gemälde auf die drei Grazien der Mythologie, ein anderes auf das Gleichnis vom guten Hirten. Mit dem Bild Mutter und Kind greift der Maler auf ein besonders geläufiges religiöses Thema zurück: die Jungfrau mit dem Kind. Dadurch werden Motiv, Künstler und die Werte, die er vermitteln möchte, geadelt. in: “Ernest Biéler, Mutter und Kind, 1907”, in Die Schule von Savièse. Eine Künstlerkolonie in den Alpen um 1900, Leit. Pascal Ruedin, Milan : 5 Continents, Sitten : Kunstmuseum, 2012, S. 170-171.