Ernest Biéler (1863 - 1948, peintre, dessinateur, verrier, mosaïste, illustrateur )
Ramasseuse de feuilles mortes / Laubsammlerin / Woman Picking up Fallen Leaves


Picture

Pascal Ruedin, 2012 :

Ernest Biéler (1863-1948), Ramasseuse de feuilles mortes, s.d. (vers 1909), gouache, aquarelle et crayon sur papier, 47 x 57.9 cm, Musée d'art du Valais, Sion, inv. BA 2201, don de la Fondation de famille Jean-Jacques et Marie Mercier-de Molin en 1991. L’œuvre appartient au groupe des premières compositions du style linéaire et archaïsant qu'adopte Biéler autour de 1905, après avoir expérimenté diverses facettes du naturalisme, du réalisme et du symbolisme de Salon. Le thème traité s'inscrit dans la tradition de ce prétendu réalisme rural qui, depuis Jean-François Millet (1814-1875), réinterprète la vie des campagnes pour le public des villes. La posture de la ramasseuse prend modèle sur les célèbres Glaneuses (1857) de Millet et, plus encore, sur la Ramasseuse de foin (1889/1898) de Giovanni Segantini (1858-1899). Comme ses modèles, la Ramasseuse de Biéler occulte la représentation de la dureté des travaux champêtres par un processus d'esthétisation. Les feuilles mortes jonchant le sol forment comme une arabesque dont le mouvement de spirale aboutit aux mains de la femme. Quant au drap qui enveloppe et cache les feuilles ramassées, il est dessiné par le papier blanc laissé en réserve. Son volume fait illusion, et cela d’autant qu’il contraste avec la tendance à la planéité des surfaces peintes alentours. Les qualités décoratives de l'œuvre privent ainsi de tout pathos cette composition calquée sur le rythme tournoyant et sur les jeux de surface de l'Art nouveau. Ce n'est pas dire que La ramasseuse soit dépourvue de toute signification autre qu'esthétique. Le caractère séduisant du sujet et de son traitement promeut sotto voce une conception très conservatrice de l'homme (et de la femme). A travers les motifs de la femme, du paysage rural et du village, cette image idyllique postule l'existence d'un ordre social naturel et immuable. Le visage caché, la femme n'a pas d'identité individuelle. Elle incarne un type humain, celui de la paysanne, que son sexe et son costume conventionnel rattachent à l'identité collective de la communauté. La vue plongeante ferme le fond de l'image et intègre physiquement la femme dans le paysage campagnard. La figure est directement associée au végétal et à la nature. Saisie au moment où elle noue comme un blanc linceul le drap rempli de feuilles mortes, la Ramasseuse se présente discrètement comme une « allégorie réelle » du temps, de la vie et de la mort. Au cœur des habitations et des granges, le clocher de la chapelle d’un village de Savièse pointe exactement sur l'axe reliant le travail et la paysanne. Il signale la religion comme garante de l'ordre rural. in: “Ernest Biéler, Ramasseuse de feuilles mortes, s.d. (vers 1909)”, dans L’Ecole de Savièse. Une colonie d’artistes au coeur des Alpes vers 1900, dir. Pascal Ruedin, Milan : 5 Continents, Sion : Musée d’art, 2012, pp. 180-181. --- Ernest Biéler (1863–1948), Dürres Laub sammelnde Frau, o. D. (um 1909), Gouache, Aquarell und Bleistift auf Papier; 47 × 58 cm, Kunstmuseums Wallis, Sitten, Inv. BA 2201, Schenkung der Stiftung der Familie Jean-Jacques Mercier-de Molin 1991. Dieses Bild gehört zur Gruppe der ersten Kompositionen im linearen, archaisierenden Stil, in dem Biéler um 1905 malte, nachdem er mit verschiedenen Fassetten des Naturalismus, des Realismus und des Salon-Symbolismus experimentiert hatte. Aufgrund seiner Thematik gehört das Werk der Tradition des so genannten ländlichen Realismus an, der seit Jean-François Millet (1814–1875) das Landleben für das städtische Publikum neu interpretierte. Die Körperhaltung der Frau erinnert an die berühmten Ährenleserinnen (1875) von Millet und noch mehr an Die Heuernte (1889/1898) von Giovanni Segantini (1858–1899). Wie in diesen Vorbildern wird hier die Darstellung der Härte der Feldarbeit durch ihre Ästhetisierung überdeckt. Das am Boden liegende Laub bildet eine Art Arabeske, deren Spiralbewegung zu den Händen der Frau hin führt. Beim Tuch, welches das gesammelte Laub umhüllt und verdeckt, handelt es sich in der Tat um das leer gelassene weisse Papier. Es lässt eine räumliche Illusion entstehen, welche durch den Gegensatz zu den eher planen, gemalten Flächen darum herum noch verstärkt wird. Aufgrund ihrer dekorativen Qualität wird die Komposition, welche den schwingenden Rhythmus und das Flächenspiel des Jugendstils nachahmt, jeglichen Pathos entledigt. Dies bedeutet jedoch keinesfalls, dass dem Bild bloss eine rein ästhetische Bedeutung zukommt. Die verführerische Eigenart des Motivs und seine Behandlung stützen diskret eine sehr konservative Sichtweise der Menschen. Anhand der Frau, der ländlichen Landschaft und des Dorfes postuliert dieses idyllische Bild die Existenz einer natürlichen, unveränderlichen gesellschaftlichen Ordnung. Das Gesicht der Frau ist verdeckt, wodurch ihr keine individuelle Identität zugestanden wird. Sie verkörpert einen Menschentypen: die Bäuerin, die durch ihr Geschlecht und ihre Tracht mit der kollektiven Identität der Gemeinschaft verbunden ist. Aufgrund des Blickwinkels ist das Bild abgeschlossen und die Frau physisch in die ländliche Landschaft integriert. Zudem wird die Figur direkt mit der Natur und den Pflanzen assoziiert. Die Frau ist genau in dem Moment abgebildet, als sie dabei ist, das mit Laub gefüllte Tuch zu knoten, einem weissen Leichentuch gleich; somit ist das Bild eine diskrete «Realallegorie» der Zeit, des Lebens und des Todes. Inmitten der Wohnhäuser und der Stadel zeigt der Kapellenturm von Drône – einem Dorf der Gemeinde Savièse – genau auf die Achse, welche Arbeit und Bäuerin miteinander verbindet. Biéler zeigt die Religion als Garantin der ländlichen Ordnung. in: "Ernest Biéler, Düures Laub sammelnde Frau, undatiert (um 1909”, in Die Schule Von Savièse. Eine Künstlerkolonie in den Alpen um 1900, Leit. Pascal Ruedin, Milan : 5 Continents, Sitten : Kunstmuseum, 2012, S. 108-181.