Albert Chavaz (1907 - 1990, peintre, aquarelliste, dessinateur, graveur et verrier)
Environs de Montorge / Umgebung von Montorge


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Isaline Pfefferlé, 2019 :

Albert Chavaz (1907-1990), Environs de Montorge, 1980, huile sur toile, 40 x 50 cm. Musée d’art du Valais, Sion. Achat en 1981. Inv. BA 1076 Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Genève entre 1927 et 1932, Albert Chavaz découvre le Valais en 1934, quand Edmond Bille (1878-1959) le mandate pour la décoration de l’Église de Fully, aux côtés de ses amis et artistes Paul Monnier (1907-1982) et Joseph Gautschi (1900-1977) (1). Les travaux terminés, les propriétaires du Café de la Croix Fédérale chez qui Chavaz loge à Sion l’invitent à prolonger son séjour aussi longtemps qu’il le souhaite. Le Genevois dépose ainsi définitivement ses bagages dans les dépendances de l’établissement du généreux couple, sans savoir que le Valais l’adoptera rapidement (2). En 1940, Chavaz s’installe à Savièse avec sa jeune épouse, Julie Luyet. Leur emménagement vaut à l’artiste d’être souvent considéré comme l’un des héritiers des peintres de l’École de Savièse. Cependant, à la différence des sympathisants de la colonie artistique fédérée sous l’impulsion d’Ernest Biéler (1863-1948), Chavaz n’adhère pas à la représentation stéréotypée du Valais, de ses paysages et de ses habitants. Ayant le régionalisme en horreur (3), il trouve, chez les Saviésans et leur environnement, un recueil de motifs factuels et chromatiques inédits qu’il parvient, avec le temps à libérer du poids du folklorisme de ses prédécesseurs (4). Environs de Montorge, une huile sur toile datée de 1980, fait partie des œuvres tardives de l’artiste. Elle représente une montagne bleue, dissimulée au loin par un bosquet d’arbres se détachant d’un ciel gris et orageux. Une route déserte traverse la composition en opérant une courbe. L’atmosphère d’une journée estivale en Valais. Parmi le vaste panel des thématiques qui composent son œuvre peint, le paysage reste la plus traitée par Albert Chavaz, toutes techniques confondues. C’est aussi ce sujet qui illustre au mieux l’affinement progressif de la touche de l’artiste ainsi que la simplification générale des formes par l’utilisation habile de la couleur. À y regarder de plus près, Environs de Montorge est composé de six surfaces chromatiques, indépendantes les unes des autres. L’espace définissant le ciel s’arrête lorsque commencent ceux de la montagne et du bosquet d’arbre au loin. Ceux-ci sont ensuite interrompus par la bordure supérieure de la route qui fuit hors-champ. Finalement, seuls les arbres du premier plan semblent donner de la densité et de la profondeur à l’ensemble. Sans ces derniers, Environs de Montorge se résumerait à six surfaces de couleur planes. Chavaz construit et déconstruit ainsi ses paysages, selon une logique relevant d’une architecture paysagère (5). Cet audacieux travail de synthèse et d’abstraction de la nature permet à l’artiste de faire l’économie du détail. Progressivement, les formes inhérentes aux motifs environnementaux apparaissent. Chaque paysage devient ainsi un recueil de motifs essentiels et sa réalité est parfois dépassée. Certains lieux semblent alors similaires et il n’est pas étonnant de confondre les paysages de Savièse (6) avec ceux de Finges (7) ou encore avec un horizon italien (8). Même si Montorge, fief de la famille Chavaz depuis des décennies (9), sa colline, son château et son lac restent des éléments reconnaissables par leur singularité régionale, ils n’échappent pas, eux non-plus, à l’effet d’abstraction qu’Albert Chavaz confère aux paysages valaisans. En déconstruisant ses compositions au niveau formel et chromatique, Albert Chavaz rappelle ainsi que la notion de paysage est une construction. L’exploitation récurrente des éléments environnementaux de Montorge ainsi que son travail sur « la coloration des Fauves et la sévérité formelle des cubistes » (10) a d’ailleurs justifié son rapprochement progressif à Paul Cézanne (1839-1906). La critique régionale a d’ailleurs qualifié sa touche de « cubisme chavazien » (11). À l’instar du peintre français qui avait su décliner les propriétés formelles de la Montagne Sainte-Victoire, Chavaz a exploité celles de Montorge et de ses environs, en hommage à la richesse paysagère que le Valais lui a offerte, inlassablement. 1) Steffan Biffiger, Paul R. Riniker, Albert Chavaz 1907-1990 Catalogue de l’œuvre peint, Viège, Rotten-Verlag, 2000, pp. 583-584. 2) Échanges entre l’auteur et l’un des fils de l’artiste, Bernard Chavaz, le 28.05.2019 3) Isabelle Tabin-Darbellay, Albert Chavaz, Rétrospective 75 ans à la Fondation Pierre Giannada Martigny, Brigue, Rotten-Verlag, 1983, p.31. 4) Armelle Droval, Pascal Ruedin, « Du paysage au paysage : Albert Chavaz » in : Collectionner au cœur des Alpes : le Musée d’art du Valais, Sion, Sion, Musée d’art ; Paris : Somogy Éditions d’Art, 2007, p.88. 5) Paul R. Rikiner, « Albert Chavaz, sa vie, son œuvre (1907-1990) » in : Albert Chavaz, La couleur au cœur, Martigny, Fondation Pierre Giannada, 2007, p.118. 6) Albert Chavaz, Les Blés à Zambotte, 1960, huile sur toile, 35 x 46 cm, Collection privée, Fribourg, Inv. n° S31-1605 7) Albert Chavaz, Finges, 1974, huile sur pavatex, 47 x 64 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 646 8) Albert Chavaz, Paysage d’Italie, 1971, huile sur toile, 24 x 35 cm, Fondation Albert Chavaz, inv. n° S23-1233 9) Lieu patrimonial indéniable avec son château et son lac, Montorge cache aussi un restaurant qui a été tenu par Martin Chavaz, l’un des fils de l’artiste. Aujourd’hui, le lieu est le véritable Stamm de la famille Chavaz et de la Fondation, présidée par un autre des fils de l’artiste, Denis Chavaz. 10) Paul R. Rikiner, « Albert Chavaz, sa vie, son œuvre (1907-1990) » in : Albert Chavaz, La couleur au cœur, Martigny, Fondation Pierre Giannada, 2007, p.118. 11) Walter Ruppen, « Rétrospective d’Albert Chavaz », in Albert Chavaz, Rétrospective 75 ans à la Fondation Pierre Giannada Martigny, Brigue, Rotten-Verlag, 1983, p.5. --- Albert Chavaz (1907–1990), Environs de Montorge, 1980, Öl auf Leinwand, 40 x 50 cm. Kunstmuseum Wallis, Sitten. Ankauf 1981. Inv. BA 1076 Albert Chavaz, der von 1927 bis 1932 an der Genfer Ecole des Beaux-Arts studiert, entdeckt das Wallis 1934, als Edmond Bille (1878–1959) ihn beauftragt, zusammen mit seinen Künstlerfreunden Paul Monnier (1907–1982) und Joseph Gautschi (1900–1977) die Kirche von Fully auszuschmücken (1). Nach Abschluss der Arbeiten lassen ihn die Besitzer des Café de la Croix Fédérale, wo er in Sitten logiert, wissen, er könne seinen Aufenthalt nach Belieben verlängern. So lässt sich der Genfer endgültig in einem Nebengebäude des Gasthauses des grosszügigen Paars nieder, ohne zu wissen, dass ihn das Wallis schnell adoptieren würde (2). Im Jahr 1940 zieht Chavaz mit seiner jungen Ehefrau Julie Luyet nach Savièse. Aufgrund dieses Ortswechsels wird der Künstler häufig als einer der Erben der Maler der Schule von Savièse angesehen. Im Unterschied zu den Anhängern der von Ernest Biéler (1863–1948) angeführten Künstlerkolonie hält sich Chavaz jedoch nicht an die stereotype Darstellung des Wallis, seiner Landschaften und seiner Bewohner. Obwohl er den Regionalismus verabscheut (3), findet er in Savièse und Umgebung eine Reihe unbekannter faktischer und chromatischer Motive, die vom Gewicht des Folklorismus seiner Vorgänger zu befreien ihm mit der Zeit gelingt (4). Das Ölbild Environs de Montorge (Umgebung von Montorge) aus dem Jahr 1980 gehört zum Spätwerk des Malers. Der blaue Berg, den es darstellt, wird von einem Wäldchen verdeckt, das sich in der Ferne von einem grauen, stürmischen Himmel abhebt. Eine verlassene Strasse durchquert die Komposition in einer Kurve. Die Atmosphäre eines Sommertags im Wallis. Unter den vielen Themen, die Chavaz’ malerisches Werk bestimmen, bleibt die Landschaft das in allen Techniken am meisten behandelte Sujet. Sie veranschaulicht auch am besten den sich verfeinernden Pinselstrich des Künstlers und die allgemeine Vereinfachung der Formen, die er durch geschickten Farbeinsatz erzielt. Bei näherer Betrachtung besteht Environs de Montorge aus sechs voneinander unabhängigen Farbflächen. Der Himmelsraum hört dort auf, wo jene des Berges und des Wäldchens in der Ferne beginnen. Diese Räume werden durch den oberen Rand der Strasse beschnitten, die aus dem Bild hinausführt. Schliesslich scheinen nur die Bäume im Vordergrund dem Ganzen Dichte und Tiefe zu verleihen. Ohne sie würde sich das Gemälde auf sechs Farbflächen beschränken. So konstruiert und dekonstruiert Chavaz seine Landschaften nach einer Logik, die der Landschaftsarchitektur entspricht (5). Diese mutige Arbeit der Synthese und Abstraktion der Natur erlaubt es dem Künstler, sich Details zu ersparen. Allmählich bilden sich die den Umweltmotiven innewohnenden Formen heraus. Jede Landschaft wird so zu einer Sammlung wesentlicher Motive und geht deshalb manchmal ihrer Realität verlustig. Einige Orte scheinen sich zu gleichen, und es ist nicht verwunderlich, dass man Landschaften von Savièse (6) mit jenen des Pfynwaldes (7) oder mit einem italienischen Horizont (8) verwechselt. Auch wenn Montorge, seit Jahrzehnten Sitz der Familie Chavaz (9), sein Hügel, sein Schloss und sein See Elemente bleiben, die man aufgrund ihrer regionalen Besonderheit wiedererkennt, können sie sich nicht dem Abstraktionseffekt entziehen, den Albert Chavaz seinen Walliser Landschaften gibt. Indem Chavaz seine Kompositionen auf formaler und farblicher Ebene dekonstruiert, erinnert er uns daran, dass der Begriff der Landschaft eine Konstruktion ist. Die häufige Nutzung von Umweltelementen aus der Gegend von Montorge und seine Auseinandersetzung mit «der Farbgebung der Fauves und der formalen Strenge der Kubisten» (10) erklären im Übrigen seine schrittweise Annäherung an Paul Cézanne (1839–1906). So bezeichneten regionale Kritiker seinen Pinselstrich als «chavazianischen Kubismus» (11). Wie der französische Maler, der die formalen Eigenschaften der Montagne Sainte-Victoire immer wieder neu gestaltete, nutzte Chavaz jene von Montorge und seiner Umgebung als Hommage an die landschaftliche Fülle, die ihm das Wallis unaufhörlich schenkte. 1) Steffan Biffiger, Paul R. Riniker, Albert Chavaz 1907–1990 Catalogue de l’œuvre peint, Visp, Rotten Verlag, 2000, S. 583–584. 2) Gespräch der Autorin mit einem der Söhne des Künstlers, Bernard Chavaz, am 28. Mai 2019. 3) Isabelle Tabin-Darbellay, Albert Chavaz, Rétrospective 75 ans à la Fondation Pierre Gianadda Martigny, Brig, Rotten Verlag, 1983, S. 31. 4) Armelle Droval, Pascal Ruedin, «Du paysage au paysage: Albert Chavaz», in Collectionner au cœur des Alpes: le Musée d’art du Valais, Sion, Sitten, Kunstmuseum; Paris, Somogy Editions d’Art, 2007, S. 88. 5) Paul R. Riniker, «Albert Chavaz, sa vie, son œuvre (1907–1990)», in Albert Chavaz, La couleur au cœur, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2007, S.118. 6) Albert Chavaz, Les Blés à Zambotte (Kornfeld von Zambotte), 1960, Öl auf Leinwand, 35 x 46 cm, Privatsammlung, Freiburg i. Ü., Inv.-Nr. S31-1605. 7) Albert Chavaz, Finges (Pfynwald), 1974, Öl auf Pavatex, 47 x 64 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 646. 8) Albert Chavaz, Paysage d’Italie (Italienische Landschaft), 1971, Öl auf Leinwand, 24 x 35 cm, Fondation Albert Chavaz, Inv.-Nr. S23-1233. 9) Mit seinem Schloss und seinem See ist Montorge nicht nur kulturgeschichtlich bedeutend, sondern der Ort besitzt auch ein Gasthaus, dessen Wirt einer der Söhne des Künstlers, Martin Chavaz, war. Heute ist das Anwesen der «Stamm» der Familie Chavaz und der Stiftung, die ein weiterer Sohn des Künstlers, Denis Chavaz, präsidiert. 10) Paul R. Riniker, «Albert Chavaz, sa vie, son œuvre (1907–1990)», in Albert Chavaz, La couleur au cœur, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2007, S. 118. 11) Walter Ruppen, «Rétrospective d’Albert Chavaz», in Albert Chavaz, Rétrospective 75 ans à la Fondation Pierre Gianadda Martigny, Brig, Rotten Verlag, 1983, S. 5.