Charles-Frédéric Brun (1811 - 1871, peintre, dessinateur)
L'histoire de Geneviève, Comtesse de Brabant, épouse du Comte Sifrois


Picture

Carole Haensler, 1997 :

Charles-Frédéric Brun, dit Le Déserteur (1804-1871), L'histoire de Geneviève Comtesse de Brabant, épouse du Comte de Sifrois, en douze scènes, 1857, gouache sur papier, 47,5 x 63,5 cm. Legs de l'abbé Henri Bonvin en 1983. Musée d'art du Valais, Sion, inv. BA D 1245 Charles-Frédéric Brun rentre en Suisse en 1847 par la forêt de Morgins, il erre dans les vallées du Trient et de la Borgne, avant d'arriver en 1850 à Cerisier. Il va rester vingt ans dans ce hameau de la commune de Haute Nendaz, se logeant toujours dans les granges ou les cabanes de bûcheron, payant son hébergement par une œuvre ou une chanson. Parmi ceux qui lui offrirent un abri pour une nuit, dans ce hameau de Cerisier, on peut certainement compter Pierre Joseph Bourband et Anne Marguerite Loye, son épouse. Le couple a-t-il commandé L'histoire de Geneviève de Brabant, ou le Déserteur a-t-il décidé lui-même du sujet de son payement? L'inscription «Pierre Joseph Bourband et Anne Marguerite Loye, son épouse, les deux de Haute Nendaz, village de Cerisier, ont fait faire cette image dans la maison», favorise la première hypothèse. L'histoire de sainte Geneviève de Brabant est peut-être le sujet religieux populaire le plus utilisé, de la fin du XVIIIe siècle au Second Empire (1). Cette représentation connaît effectivement une nette renaissance au XIXe siècle, en particulier en tant qu'histoire édifiante, au sens religieux du terme. La légende est située au VIIIe siècle. Geneviève était la fille d'un duc de Brabant. Elle avait épousé le comte Sifrois ou Siegfried. Faussement accusée d'adultère et condamnée à mort avec son nouveau-né, elle et son enfant se réfugièrent dans une forêt où ils furent nourris par une biche pendant six ans. Le comte Sifrois les retrouva au cours d'une chasse et reconnut l'innocence de sa femme (2). La surface de l'œuvre est limitée par un trait noir, cadre à l'intérieur duquel peut s'opérer le découpage en douze scènes. Chacune est à son tour nettement encadrée, comme un tableau à part entière. Chaque épisode présente une narration à deux niveaux, celui de l'écriture et celui de l'image. Un élément immédiatement identifiable, à l'intérieur de l'image, fait le pont entre ces deux niveaux. L'acte de bienfaisance de la première scène est signifié par le bras avancé, la main tendue vers le bas. Dans la troisième vignette, l'homme posant le pied à l'étrier, le cheval dos au spectateur, et la femme retenant son époux par le bras, appartiennent à un répertoire canonique qui remonte à l'Antiquité et qui représente le départ du bien-aimé pour la guerre. L'autonomie de chaque scène est garantie non seulement par le cadre noir, mais encore par l'irrégularité du temps écoulé entre elles. La huitième vignette représente les serviteurs chargés de mettre à mort Geneviève de Brabant. Elle est immédiatement suivie par le séjour de Geneviève et de son enfant dans la forêt. Or, de cette dernière scène à la suivante, la reconnaissance de Geneviève et de son fils par le Comte Sifrois, il s'écoule six ans! Cette autonomie, ainsi que l'attitude hiératique des personnages et la recherche scrupuleuse de leur identité hagiographique (3) assurent à l'art religieux du Déserteur son imperméabilité au sentiment humain. L'art sacré ne doit point troubler le spectateur en provoquant chez lui des réactions superficielles, propres à le détourner du Créateur. Et c'est à ce commandement qu'obéit l'œuvre de Charles-Frédéric Brun. Une bande est encore réservée à l'inscription du sujet, voire au nom du commanditaire ou du destinataire de l'œuvre. Le cadre noir et l'inscription rapprochent l'œuvre de Charles-Frédéric Brun de l'imagerie populaire du XIXe siècle (fig. ci-contre). La technique l'en distingue cependant: les œuvres du Déserteur ne sont pas des gravures sur bois coloriées au pochoir, mais des sujets uniques peints le plus souvent à la gouache ou à l'aquarelle, et détaillés à la plume. Il est cependant évident que le Déserteur se rattache à une tradition populaire dans les représentations de personnages par exemple. D'ailleurs, la grande majorité de ses œuvres sont des ex-voto, destinés à une classe populaire de la société. (1) René CREUX, «C.F. Brun, peintre d'images», dans: Le Déserteur, catalogue d'exposition, Sion, Musée cantonal des beaux-arts, 10.12.1966-30.1.1967, Sion: Musées cantonaux, 1966, n.p. (2) Lexikon der christlichen Ikonographie, 6. Band, Ikonographie der Heiligen, Freiburg: Herder, 1974, col. 360-361. (3) Par exemple, la biche est présente comme attribut traditionnel de sainte Geneviève de Brabant Bibliographie: - Rose-Claire SCHÜLE, «Le Déserteur: entre légende et réalité. L'histoire de la découverte du peintre populaire Charles-Frédéric Brun», dans: Going West. Art polulaire suisse en Amérique, catalogue d'exposition, Zurich, Musée national, 4.7-23.10.1994, Zurich: Musée national suisse, 1994, pp. 68-79 (avec bibliographie). in: “Charles-Frédéric Brun, dit Le Déserteur, L’histoire de Geneviève Comtesse de Brabant, épouse du Comte de Sifrois, en douze scènes, 1857” dans Le Musée cantonal des beaux-arts de Sion, 1947-1997. Naissance et développement d'une collection publique en Valais: contextes et modèles, dir. par Pascal Griener et Pascal Ruedin, Sion: Musées cantonaux, 1997, pp. 206-207.