Michel Grillet (* 1956, peintre, professeur)
Montagnes-Ciel / Berge-Himmel


Picture

Samuel Gross, 2007 :

Michel Grillet (*1956), Mémoire de Paysage, 2002, 6 pastilles de gouache retravaillées dans une boîte en carton, 10.4 x 6 x 2.1 cm (boîte), 2.9 x 3.4 x 0.9 cm (chaque pastille), Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 2907, don de l’artiste en 2007, et Montagnes-Ciel, 2005/06, 5 aquarelles sur papier, 5.1 x 26 cm (chaque support), 31.6 x 209 cm (dimensions de l’ensemble, avec cadre), Musée d’art, Sion, inv. BA 2906, achat en 2007 Inlassablement, depuis plus de trente ans, Michel Grillet peint de minutieux fragments de paysages alpins, un type de paysage auquel il demeure intimement attaché. La montagne, en effet, est devenue le lieu rêvé d’une multitude de points de vue et d’espaces explorables, au terme d’une enfance marquée par de réguliers séjours dans les Alpes. Pourtant, si, très rapidement dans son parcours artistique, il limite sa pratique à la peinture de paysage, ce n’est pas pour s’en tenir à la frustrante transcription plastique de simples observations atmosphériques. Certes, en amateur de balades, il est fasciné par la multiplicité des effets de lumière qui, en altitude surtout, modifient dans un laps de temps très court la perception que l’on peut avoir de l’environnement. Mais, peindre des paysages alpins ne signifie nullement manifester un goût naturaliste, ni user d’une simple déclinaison du motif pour provoquer quelque transcendant sentiment d’émerveillement. Comme dans un jardin zen, la saisie de la diversité naturelle n’est qu’une forme offerte à une pratique révélant le passage inexorable du temps. La montagne est le motif récurrent de ses rêves, sa pratique artistique, un minutieux jeu de patience. Les cieux étoilés de la série Mémoire de Paysage sont peints sur des pastilles de gouache, alors que la série Montagnes-Ciel est constituée de petites bandes de papier sur lesquelles, par de multiples passages successifs d’aquarelle extrêmement diluée, des montagnes se dessinent. Le geste répétitif et précis fait naître des éléments de paysage, en ouvrant des brèches dans le continuum de l’espace-temps. L’artiste a toujours travaillé par séries, sur de petits, voire de très petits formats, en cumulant les contraintes techniques et en alliant les effets contraires de la maîtrise du geste et de la soumission au hasard. Non sans une forme d’humour, il transforme l’atelier du sous-sol de sa maison familiale en un belvédère de mémoire. Les images du monde s’y révèlent avec retenue. Les œuvres qui en sortent demandent une attention soutenue, tout en conservant la fragile texture des souvenirs qui s’estompent. Chacun d’entre nous peut garder d’elles ce qu’il a cru y percevoir. La complexité de notre rapport au monde s’y révèle dans les variations infimes que l’on peut y déceler, lorsqu’elles sont présentées par séries, leur déclinaisons permettant à leur auteur de pouvoir rire de l’ambition convenue de produire de nouvelles images. Depuis 1977, Grillet peint à la gouache sur des pastilles de gouache. La technique implique un soin extrême, autant qu’elle offre à l’artiste des fonds intensément colorés. Depuis quelques années maintenant, il réalise ainsi des ciels étoilés regroupés sous l’intitulé Mémoire de Paysage. Avec patience, à la lumière d’une lampe, en regardant à travers une loupe et par petites touches, il pose quelques gouttes de peinture blanche en essayant de contenir les auréoles que produit la dilution. En reproduisant le geste plusieurs fois, les petites pointes claires forment autant d’étoiles : comme des constellations. La pastille de gouache devient, cerclée par son emballage de plastique blanc, un minuscule écran révélant l’immensité céleste. Grillet semble adapter ainsi un geste minutieux qui fut celui de toute l’école d’émaillerie de Genève dont les chefs-d’œuvre s’exportèrent aux quatre coins du globe. Pourtant les œuvres de Michel Grillet sont bien plus que l’indexation contemporaine d’un savoir-faire raffiné ancré dans une tradition locale. Leur étrange nature permet de les penser au sein de la catégorie complexe des objets qui composaient les cabinets de curiosité. Ces œuvres pourraient potentiellement compléter un corpus d’objets – fragiles fragments d’une encyclopédie forcément lacunaire – dont l’ensemble permettrait de rendre compte du monde, de sa diversité et des limites de la maîtrise humaine. Si les pastilles peintes sont ces sortes d’étranges joyaux, indices vains et un peu absurdes de la volonté humaine à recenser les étoiles, la série Montagnes-Ciel prendrait place sur les mêmes étagères pour rendre compte des aléas projectifs du hasard. En travaillant sur des séries de lavis, l’artiste s’est aperçu que les traces de pinceau dans la marge donnaient naissance à des effets de superposition de plans comme dans un diorama. En découpant les laisses de ses papiers tendus, il en fait émerger des montagnes, des nuages, des paysages. Il décide donc d’adopter un format de papier similaire, très allongé, et d’y adapter son geste. Par cette maîtrise du hasard, de vastes ensembles de montagnes se découpent alors sur d’inhabituels formats panoramiques. Ainsi, comme ces hommes de la Renaissance tardive qui aimaient à joindre à leur collection des pierres imagées, paesines ou marbres ruiniformes, dans les géométriques découpes desquelles ils percevaient les figures de la cité idéale, Michel Grillet n’a de cesse de distinguer des montagnes dans les franges de sa peinture. Une telle lecture de la tache aquarellée, qui soumet le hasard figuré aux projections de l’imaginaire, n’est pas sans faire penser à la fameuse rêverie de Léonard (1452-1519) devant les imperfections d’un mur ou au traité d’Alexander Cozens (1717-1786) sur « L’art de la tache (1)». Pour Michel Grillet, comme pour ces illustres prédécesseurs, le motif littéral a moins d’importance que tout ce que nous pouvons y mettre. La montagne est moins une image de carte postale pour touriste en mal de verdure, un espace de respiration nécessaire à notre mode de vie contemporain, essentiellement urbain, qu’un lieu de projection mentale et onirique. Et si l’œuvre de l’artiste est animée par une ambition, celle-ci est autant humaniste qu’artistique. 1. Jean-Claude Lebensztejn, L’art de la tache : introduction à la « Nouvelle méthode » [A new method of assisting the invention in drawing original compositions of landscape, 1785] d’Alexander Cozens, Montpellier : Limon, 1990. in: “Michel Grillet, Mémoire de Paysage, 2002, et Montagnes-Ciel, 2005/06”, dans Le Musée d’art du Valais, Sion - Collectionner au cœur des Alpes, dir. Pascal Ruedin, Sion, Musées cantonaux, Paris, Somogy, 2007, pp. 176-179, cat. nos 65 et 66. --- Michel Grillet (*1956), Erinnerung einer Landschaft, 2002, 6 bearbeitete Gouache-Näpfchen in einer Kartonschachtel, 10,4 x 6 x 2,1 cm (Schachtel), 2,9 x 3,4 x 0,9 cm (Näpfchen), Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 2907, Schenkung des Künstlers 2007 und Berge-Himmel, 2005/06, 5 Aquarelle auf Papier; je 5,1 x 26 cm, 31,6 x 209 cm (Gesamtmasse mit Rahmen), Kunstmuseum Sitten, Inv. BA 2906, Ankauf 2007 Seit mehr als dreissig Jahren malt Michel Grillet unermüdlich minutiöse Fragmente von Berglandschaften – eine Art der Landschaftsmalerei, der er eng verbunden bleibt. Die Berge sind in der Tat zu einem erträumten Raum geworden mit einer Vielzahl von Ansichten und erkundungswürdigen Orten, nach einer von regelmässigen Aufenthalten in den Alpen geprägten Kindheit. Wenn sich Grillet auch sehr früh in seiner künstlerischen Laufbahn auf die Landschaftsmalerei festgelegt hat, so beschränkt er sich keineswegs auf die frustrierende plastische Umschreibung blosser atmosphärischer Beobachtungen. Gewiss, als begeisterter Wanderer ist er fasziniert von den vielfältigen Lichteffekten, die vor allem in der Höhe in kürzester Zeit die Wahrnehmung der Umgebung ändern können. Doch wer alpine Landschaften malt, muss keineswegs am Naturalistischen Gefallen haben und sich auch nicht einer einfachen Abwandlung des Motivs bedienen, um ein irgendein transzendentes Hochgefühl hervorzurufen. Wie in einem Zen-Garten ist das Festhalten der natürlichen Vielfalt nur eine Form, die sich einer Methode zur Offenbarung des unerbittlichen Laufs der Zeit bietet. Die Berge sind das wiederkehrende Motiv Grillets Träume, seiner künstlerischen Vorgehensweise, eines minutiösen Geduldspiels. Die Reihe Berge-Himmel besteht aus schmalen Papierstreifen, auf denen sich durch den wiederholten Auftrag extrem verdünnter Aquarellfarbe Berge abzeichnen, die sternenübersäten Himmel der Reihe Erinnerung einer Landschaft hingegen sind mit Gouache auf Gouache-Näpfchen gemalt. Durch die Wiederholung der präzisen Handbewegung entstehen Landschaftselemente und Lücken im Raum-Zeit-Kontinuum. Der Künstler hat schon immer in Zyklen auf kleinen, ja kleinsten Formaten gearbeitet; ausserdem kombiniert er verschiedene technische Einschränkungen und verbindet den Widerspruch zwischen Meisterung der Handbewegung und Zufall. Nicht ohne einen gewissen Humor hat er das Atelier im Keller seines Hauses in ein Belvedere der Erinnerung verwandelt. Die Bilder der Welt zeigen sich hier mit Zurückhaltung. Die hier entstandenen Werke verlangen die ungeteilte Aufmerksamkeit des Betrachters, behalten aber gleichzeitig die zarte Struktur von verblassenden Erinnerungen bei. Jeder von uns kann davon mitnehmen, was er wahrzunehmen glaubt. Die Komplexität unserer Beziehung zur Welt offenbart sich darin in winzigen Variationen, die ersichtlich werden, wenn die Werke in Zyklen gezeigt werden; dabei kann der Urheber dank den Abwandlungen über das vereinbarte Bestreben, neue Bilder zu produzieren, lachen. Seit 1977 malt Grillet mit Gouache auf Gouache-Näpfchen. Diese Technik setzt äusserste Sorgfalt voraus, bietet dem Künstler aber gleichzeitig Malgründe in intensiven Farbtönen. Seit einigen Jahren bereits realisiert Grillet so unter dem Titel Erinnerung einer Landschaft sternenübersäte Himmel. Geduldig, im Schein einer Lampe, mit Hilfe einer Lupe und mit feinen Pinselstrichen bringt er einige Tropfen weisser Farbe an und versucht dabei, den Farbverlauf zu beschränken, der aufgrund der Verdünnung entsteht. Durch die Wiederholung dieser Handbewegung entstehen aus den kleinen hellen Tupfern Sternenkonstellationen. Das Gouache-Näpfchen wird durch die weisse Umrandung der Plastikverpackung zu einer winzigen Blende, durch die man die unermessliche Weite des Himmels erblickt. Grillet scheint so die minutiöse Handbewegung der Emailmaler der Genfer Schule anzupassen, deren Meisterwerke einst in die ganze Welt exportiert wurden. Michel Grillets Werke sind jedoch weit mehr als bloss eine moderne Anpassung eines raffinierten, in der örtlichen Tradition verankerten Könnens. Sie sind so merkwürdig, dass man sie sich in einer der komplexen Kategorien eines Kuriositätenkabinetts vorstellen kann. Die Werke könnten möglicherweise eine solche Sammlung vervollständigen – zarte Fragmente einer natürlich unvollständigen Enzyklopädie –, deren Ganzes es ermöglichen würde, der Welt, ihrer Vielfältigkeit und den Grenzen der menschlichen Dominanz Rechnung zu tragen. Wenn die bemalten Näpfchen diese Art merkwürdiger Kleinode sind – vergebliche und etwas absurde Zeugnisse des menschlichen Wunsches, die Sterne zu erfassen –, so fände der Zyklus Berge-Himmel einen Platz in der selben Ausstellung, um den projektiven Gegebenheiten des Zufalls Rechnung zu tragen. Beim Arbeiten an Tuschezyklen bemerkte der Künstler, dass die Pinselspuren im Rand wie übereinander liegende Bildebenen wirkten, wie in einem Diorama. Durch Ausschneiden der Übergangsbänder aus dem gespannten Papier liess er daraus Berge entstehen, Wolken, Landschaften. Er entschied sich in der Folge für ein ähnliches, lang gezogenes Papierformat, und passte seine Handbewegung daran an. Durch diese Meisterung des Zufalls zeichnen sich weitläufige Berggruppen auf unüblichen Panoramaformaten ab. Wie die Menschen der Spätrenaissance, die gerne Landschaftsmarmor, auch Pietra Paesina genannt, zu ihren Sammlungen hinzufügten, in dessen Formen sie die Figuren der Idealstadt wahrzunehmen glaubten, so sieht Michel Grillet stets Berge in den Rändern seiner Bilder. Eine solche Auslegung des aquarellartigen Flecks, welche den figürlichen Zufall den Projektionen der Vorstellungskraft unterstellt, lässt auch an die berühmte Träumerei Leonardos (1452-1519) angesichts von Flecken an einer Mauer denken oder an die Abhandlung Alexander Cozens' (1717-1786) über die Kunst des Flecks (1). Für Michel Grillet, wie für seine berühmten Vorgänger, hat das eigentliche Motiv weniger Bedeutung als all das, was es in sich bergen kann. Die Berge sind hier kein Postkartenbild für Touristen, die sich nach dem Grünen sehnen, kein Raum zum Aufatmen, der aufgrund unserer modernen, vornehmlich städtischen Lebensweise notwendig ist, nein, die Berge sind vielmehr ein Ort der mentalen und der traumhaften Projektion. Und wenn das Werk des Künstlers von einer Ambition beseelt ist, so ist diese sowohl humanistisch als auch künstlerisch. 1. Jean-Claude Lebensztejn, L’art de la tache : introduction à la « Nouvelle méthode » [A new method of assisting the invention in drawing original compositions of landscape, 1785] d’Alexander Cozens, Montpellier: Limon, 1990. in: “Michel Grillet, Erinnerung einer Landschaft, 2002 und Berge-Himmel, 2005/06”, in Das Kunstmuseum Wallis, Sitten - Sammeln inmitten der Alpen, dir. Pascal Ruedin, Sitten, Walliser Kantonsmuseen, Paris, Somogy, 2007, pp. 176-179, cat. nos 65 et 66.