Pascal Ruedin, 2007 :
Maria Ceppi (*1963), Zeitdokument (Document de notre temps), 2002-06, broderies de laine tendues sur 40 panneaux de 68 x 68 cm chacun, dimensions de l’ensemble : 345 x 552 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 2872, achat en 2006 avec l’aide du Comité d’organisation du centenaire du tunnel du Simplon et de la compagnie ferroviaire Berne-Lötschberg-Simplon (BLS) L’équivalent français du titre original, Zeitdokument, prive le référentiel d’une partie de sa richesse. En allemand, le titre énonce à la fois le statut documentaire de l’œuvre, son rapport au présent, mais il suggère aussi le passage du temps, la durée, l’histoire. Ces deux dimensions travaillent l’œuvre en profondeur, elles lui donnent son étoffe, son épaisseur historique. 40 toiles brodées à la main sont tendues sur autant de panneaux pour constituer ensemble l’image du puzzle : le chantier – sur territoire valaisan – du portail sud du nouveau tunnel ferroviaire de base du Lötschberg. Décidé en 1990 et inauguré en 2007, ce tunnel de quelque 35 km de long sous les Alpes relie le Nord et le Sud de l’Europe. Sur la broderie monumentale, le tunnelier géant, monté sur rails, s’apprête à entrer dans l’une des galeries. Au bas de l’image, un tapis roulant traverse le Rhône pour permettre l’évacuation des matériaux excavés qui vont former de nouvelles collines sur le fond de la vallée. L’image est quasi inhabitée, les machines semblent règner seules sur ce paysage entamé. La scène évoque au premier coup d’œil la photographie plasticienne allemande contemporaine issue des travaux et de l’enseignement de Bernd (1931-2007) et Hilla (*1934) Becher à Düsseldorf, mais comme filtrée par l’informatique, la télévision ou la bande dessinée. Pour arriver à ses fins, Maria Ceppi s’est muée en entrepreneuse, en cheffe de chantier, en ingénieure de la communication sociale. L’image initiale est une photographie aérienne du chantier, retravaillée à l’ordinateur pour obtenir quarante patrons de broderie faciles à mettre en œuvre. La broderie n’a pas été exécutée par l’artiste, mais sous sa direction. Les panneaux ont été répartis entre une quarantaine de femmes et quelques hommes vivant dans la région où le tunnel est percé et dont il modifiera les conditions d’existence. Un seul panneau est resté inachevé, suite au décès de la brodeuse. Le travail a été réalisé dans une sorte d’atelier collectif, le Café Gobelin, un espace convivial ouvert par Maria Ceppi dans la gare de chemin de fer de Viège, sa ville natale, appelée à devenir l’un des principaux nœuds ferroviaires de Suisse entre Bâle et Milan. Au cours du travail, les participants causaient, parlaient de leur vie, de leurs préoccupations, se livrant parfois assez intimement. Le contraste ne saurait être plus fort entre la tradition artisanale et la technologie de pointe qui fait le sujet de l’image, entre l’espace intérieur du travail majoritairement féminin et l’espace extérieur des chantiers des hommes, entre l’atelier indigène et le chantier peuplé d’ouvriers immigrés. La coexistence de ces réalités forme en quelque sorte un raccourci sur le double visage du Valais contemporain. Cette dualité se fond dans le style même de l’image où les points de broderie semblent épouser les pixels de l’image numérique qui a servi de modèle. Elle est devenue vivante par l’intérêt réciproque des brodeuses et des ouvriers pour leur travail respectif, ainsi que par leurs rencontres, organisées par l’artiste. Maria Ceppi appelle communément son travail « Gobelinstickerei », amalgamant ainsi deux techniques, celle de la broderie et celle des fameux tissages de la manufacture royale des Gobelins fondée à Paris en 1662. Elle fait ainsi référence aux tapisseries figurées et historiées, racontant les hauts-faits de la mythologie, de l’histoire religieuse ou civile, ancienne ou contemporaine. En tout état de cause, elle place ainsi son propre travail dans la grande tradition de la peinture d’histoire contemporaine. Un autre artiste valaisan avait fait de même pour évoquer les grands travaux de la seconde moitié du XIXe siècle : Raphael Ritz (1829-1894) dans son célèbre tableau de la Correction du Rhône (1888, Musée d’art, Sion), une scène épique évoquant les travaux de la première correction du fleuve dans la région même où débouche aujourd’hui le tunnel de base du Lötschberg. Depuis la tapisserie de Pénélope au moins, les arts textiles sont associés au temps long. Plutôt que l’événementiel et l’éphémère, Maria Ceppi choisit le temps de l’histoire. Le sujet de l’œuvre évoque les bouleversements socio-économiques qui suivront, en Valais, la mise en service du tunnel : au-delà d’une transformation du paysage, c’est une transformation sociale et culturelle qui s’annonce. Derrière la générosité et l’idéal de l’art social, l’œuvre redessine de vieilles structures de pouvoir, de hiérarchie et de visibilité. Deux mondes se côtoient aussi bien sur le chantier du tunnel que dans l’atelier collectif de Viège : les ouvriers du tunnel vivent dans l’ombre des ingénieurs de ligne et des directeurs de chemin de fer ; et les brodeuses dans l’ombre de l’artiste. Ouvriers et brodeuses appartiennent à la catégorie des employés, sinon des exploités. Si l’on oublie l’utopie sociale et culturelle, le travail et l’art populaires restent asservis aux intérêts et aux représentations dominantes des élites économiques et… artistiques. in: “Maria Ceppi, Zeitdokument (Document de notre temps), 2002-06”, dans Le Musée d’art du Valais, Sion - Collectionner au cœur des Alpes, dir. Pascal Ruedin, Sion, Musées cantonaux, Paris, Somogy, 2007, pp. 170 - 173, cat. no 63. --- Maria Ceppi (*1963), Zeitdokument, 2002-2006, Wollstickerei auf 40 Tafeln, je 68 × 68 cm, Gesamtmass: 345 x 552 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 2872, Ankauf 2006 mit Unterstützung des Organisationskomitees 100 Jahre Simplontunnel und der Bern-Lötschberg-Simplon-Bahn (BLS) Der Titel, Zeitdokument, vermittelt einerseits den dokumentarischen Status dieses Werks, seinen Bezug zur Gegenwart, doch lässt er einen anderseits auch an den Verlauf der Zeit denken, an die Dauer, die Geschichte. Diese beiden Dimensionen verleihen dem Werk Tiefe, machen seinen Stoff aus, geben ihm historische Dichte. Vierzig von Hand gestickte, auf Tafeln aufgezogene Teilbilder bilden zusammen das Ganze dieses Puzzles: die Baustelle – auf Walliser Seite – des Südportals des neuen Lötschberg-Eisenbahn-Basistunnels. 1990 beschlossen, 2007 eingeweiht, dieser rund 35 km lange Alpentunnel verbindet den Norden mit dem Süden Europas. Auf dem gestickten Bild erkennt man die riesige Tunnel-Bohrmaschine auf Schienen, bevor sie in einen der Stollen fährt. Unten im Bild geht ein Förderband über die Rhone; es führt das abgetragene Gestein weg, aus dem im Talgrund neue Hügel entstehen werden. Das Bild ist fast menschenleer, die Maschinen scheinen allein in dieser angefangenen Landschaft zu herrschen. Die Szene erinnert auf den ersten Blick an die zeitgenössische plastische Fotografie, wie sie von den Arbeiten und vom Unterricht des Fotografenpaars Bernd (1931-2007) und Hilla (*1934) Becher in Düsseldorf bekannt sind, scheint jedoch wie mit dem Computer, am Fernseher oder durch einen Comic gefiltert zu sein. Um ihr Ziel erreichen zu können, wurde Maria Ceppi zur Unternehmerin, Baustellenchefin, Ingenieurin für soziale Kommunikation. Das ursprüngliche Bild ist ein Flugbild der Baustelle, das am Computer in vierzig einfach auszuführende Stickvorlagen umgewandelt wurde. Die Stickerei selbst wurde nicht von der Künstlerin ausgeführt, sondern lediglich unter ihrer Leitung. Die Einzelbilder wurden an rund vierzig Frauen und Männern verteilt, die in der Region, in welcher der Tunnel gebaut worden ist, leben, und deren Lebensbedingungen dieser somit verändert hat. Ein einziges Bild ist nicht fertig gestickt, da die Frau, die daran arbeitete, gestorben ist. Die Arbeiten wurden in einer Art Kollektivatelier ausgeführt, dem Café Gobelin, einem Treffpunkt, den Maria Ceppi am Bahnhof ihrer Heimatstadt Visp eröffnet hatte; Visp soll zu einem der bedeutendsten Eisenbahnknotenpunkte der Schweiz zwischen Basel und Mailand werden. Beim Sticken kamen die Teilnehmenden ins Gespräch, erzählten sich von ihrem Leben und vertrauten sich einander an. Der Gegensatz könnte stärker nicht sein zwischen der traditionellen Handarbeit und der abgebildeten Spitzentechnologie, zwischen einer im Haus und hauptsächlich von Frauen ausgeführten Arbeit und der Baustelle im Freien, einer Männerdomäne, zwischen dem Atelier mit Einheimischen und der Baustelle mit den ausländischen Arbeitern. Das Nebeneinander dieser Realitäten bildet in gewisser Weise eine Abkürzung zum doppelten Gesicht des heutigen Wallis. Diese Dualität geht im Stil des Bildes auf, wo die gestickten Stiche den Pixel des digitalen Bildes entsprechen, das als Vorlage gedient hat. Die Dualität ist lebendig geworden durch das gegenseitige Interesse der Stickerinnen und der Arbeiter für die Arbeit der anderen sowie durch die von der Künstlerin organisierten Begegnungen der beiden Gruppen. Maria Ceppi nennt ihre Arbeiten im Allgemeinen Gobelinstickerei, wodurch sie zwei Techniken miteinander verbindet: die Stickerei und die berühmten Bildwirkereien der königlichen Manufaktur im Haus der Gobelins, die 1662 in Paris gegründet wurde. Sie verweist ausserdem auf die figürlichen, reich dekorierten Tapisserien, welche von mythologischen Heldentaten, von der vergangenen oder gegenwärtigen Kirchen- und Staatsgeschichte erzählen. Auf jeden Fall platziert Ceppi ihre Arbeit in der grossen Tradition der zeitgenössischen Historienmalerei. Ein anderer Walliser Künstler hat dies auch getan, um an die grossen Baustellen der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts zu erinnern: Raphael Ritz (1829-1894), in seinem berühmten Gemälde Rhonekorrektion (1888, Kunstmuseum Sitten), eine epische Szene, die an die Arbeiten im Rahmen der ersten Rhonekorrektion erinnert, und zwar im selben Gebiet, wo heute der Lötschberg-Basistunnel mündet. Zumindest seit Penelopes Totentuch gilt die Textilkunst als zeitaufwändig. Anstelle der Ereignisse schildernden Geschichtsschreibung und des Kurzlebigen hat Maria Ceppi die Dauer der Geschichte gewählt. Das Motiv ihres Werks erinnert an die tief greifenden sozialen und wirtschaftlichen Veränderungen, die im Wallis auf die Inbetriebnahme des Tunnel folgen werden: Über die Umwandlung der Landschaft hinaus kündigt sich ein sozialer und kultureller Wandel an. Hinter der Grosszügigkeit und dem Ideal der sozialen Kunst zeichnet das Werk alte Strukturen der Macht, der Hierarchie und der Sichtbarkeit nach. Zwei Welten bestehen sowohl auf der Baustelle als auch im Kollektivatelier in Visp nebeneinander: Die Tunnelarbeiter leben im Schatten der Streckeningenieure und der Direktoren der Eisenbahngesellschaft und die Stickerinnen und Sticker im Schatten der Künstlerin. Arbeiter und Stickerinnen gehören zur Gruppe der Angestellten, wenn nicht der Ausgenutzten. Wenn man von der sozialen und kulturellen Utopie absieht, stehen die Arbeit und die Kunst des Volkes im Dienst der Interessen und der vorherrschenden Vorstellungen der Eliten aus Wirtschaft und ... Kunst. in: “Maria Ceppi, Zeitdokument, 2002-2006”, in Das Kunstmuseum Wallis, Sitten - Sammeln inmitten der Alpen, dir. Pascal Ruedin, Sitten, Walliser Kantonsmuseen, Paris, Somogy, 2007, pp. 170 - 173, cat. no 63.