Julian Charrière (* 1987, artiste conceptuel)
Polygon III


Picture

Fleur Heiniger, 2018 :

Julian Charrière (*1987), Polygon III, 2015, photographie en noir et blanc double exposition sur papier baryté, avec son négatif dans une boîte de protection en plomb (pièce unique), 150 x 180 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 3403, achat en 2015 Deux structures en béton, l’une petite et l’autre plus grande, habitent un paysage désertique. L’absence de végétation, ou plutôt le triste état de cette dernière, semble attester d’un climat aride. Un ciel gris surplombe le tout et occupe la plus grande partie de l’image. Des taches de lumière, mais aussi des marques plus sombres, constellent l’image. Difficiles à interpréter, elles semblent comme superposées à la photographie tout en se confondant avec les nuages ou les traces d’érosion sur les bâtiments. L’architecture immortalisée par cette photographie se situe sur l’ancien site d’essais nucléaires de Semipalatinsk au Kazakhstan, plus connu sous le nom de « Polygone nucléaire ». Les essais perpétrés par l’URSS entre 1949 et 1989 ont justifié la construction de nombreux édifices en béton de formes variables, destinés à étudier les effets du souffle atomique. Définitivement abandonné lors de la dissolution de l’URSS en 1991, le site demeure inoccupé en raison des fortes radiations qui émanent toujours de cette zone où aucun projet de décontamination n’est envisagé (1). Les bâtiments portent donc en eux une double ruine : la première, humaine et dévastatrice causée par les essais atomiques ; la seconde, naturelle car relative au temps qui passe. Inspiré par une nouvelle de J.G. Ballard, L’Ultime plage (1964), Charrière visite le site de Semipalatinsk en 2014. Vêtu d’une combinaison de protection, il réalise lors de cette expédition un film, Somewhere, ainsi qu’une série de photographies intitulée Polygon (2). Avant d’être développés, les négatifs de la série Polygon ont été soumis à des sables radioactifs importés de Semipalatinsk, ce qui explique les traces visibles sur les photographies. La radioactivité, malgré son impact sur les corps et la santé des personnes, demeure en effet un phénomène invisible qui se révèle ici à travers le prisme de la photographie. Le négatif utilisé pour Polygon III faisant partie intégrante de l’œuvre, il est actuellement conservé dans le cylindre métallique en forme de générateur placé au pied de la photographie. Ce procédé permet à la fois de protéger le négatif tout en préservant le spectateur de ses effets mortels. La thématique du « temps » et l’idée « d’archéologie du futur » sont récurrentes dans le travail de Julian Charrière : « Ce qui m’intéresse, c’est le temps et sa perception, et de quelle manière il peut être physique. » (3). Il n’est donc pas surprenant de voir Charrière s’intéresser au site de Semipalatinsk. Porteur de différentes temporalités, le « Polygone nucléaire » s’inscrit idéalement dans la démarche générale développée par l’artiste. Comme un paysage post-apocalyptique, la série Polygon met effectivement en scène les « […] premiers monuments involontairement (semi) permanents de l’Anthropocène : une architecture post-humaine de la bombe […]. » (4). 1) Togzhan Kassenova, « The lasting toll of Semipalatinsk’s nuclear testing », in Bulletin of the Atomic Scientists, 2009, https://thebulletin.org/lasting-toll-semipalatinsks-nuclear-testing . Consulté le 14 juin 2018. 2) Amelia Barikin, « Archifossiles et fossiles du futur : la paléontologie spéculative de Julian Charrière », in Nicole Schweizer (dir.), Futur Fossil Spaces, Milan, Mousse Publishing ; Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 2014, p. 24. 3) Amelia Barikin, « Archifossiles et fossiles du futur : la paléontologie spéculative de Julian Charrière », in Nicole Schweizer (dir.), Futur Fossil Spaces, Milan, Mousse Publishing ; Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 2014, p. 23. 4) Nadim Julien Samman, « La fin du monde, de nouveau », in Nicole Schweizer (dir.), Futur Fossil Spaces, Milan, Mousse Publishing ; Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 2014, p. 38. --- Julian Charrière (*1987), Polygon III, 2015, doppelt belichtete Schwarzweiss-Fotografie auf Barytpapier, das dazugehörige Negativ in schützendem Bleizylinder (Einzelstück), 150 x 180 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 3403, Ankauf 2015 Zwei Betonbauten, ein kleiner und ein etwas grösserer, stehen in einer Wüstenlandschaft. Das Fehlen von Vegetation, oder, besser gesagt, ihr trauriger Zustand, scheint auf ein trockenes Klima hinzudeuten. Ein grauer Himmel wölbt sich über das Ganze und nimmt den grössten Teil des Bilds ein. Lichtpunkte, aber auch dunklere Flecken übersäen das Bild. Sie sind schwer zu deuten und scheinen die Aufnahme zu überlagern, während sie zugleich mit Wolken oder Verfallspuren an den Gebäuden verschmelzen. Die durch diese Fotografie festgehaltene Architektur befindet sich auf dem ehemaligen Atomtestgelände Semipalatinsk in Kasachstan, besser bekannt unter dem Namen «Nuclear Polygon». Die von der UdSSR zwischen 1949 und 1989 durchgeführten Versuche benötigten die Errichtung zahlreicher unterschiedlich gestalteter Betonbauten, die dazu dienten, die Auswirkungen der Atomexplosionen zu untersuchen. Nach der Auflösung der UdSSR im Jahr 1991 wurde das Gelände definitiv aufgegeben, blieb aber eine Brache aufgrund der starken Strahlung in diesem Gebiet, für das kein Dekontaminationsprojekt geplant ist (1). Die Gebäude zeugen folglich von einer doppelten Zerstörung: einer ersten, menschlich bedingten, durch Atomtests, und einer zweiten, natürlichen, die durch die unaufhörlich verrinnende Zeit bewirkt wird. Angeregt von einer Erzählung von J. G. Ballard, La plage ultime (The Terminal Beach, in deutscher Ausgabe Endstation Strand, 1964), besuchte Charrière 2014 Semipalatinsk. In einen Schutzanzug gekleidet, drehte er dort einen Film, Somewhere, und nahm eine Reihe von Fotografien auf, denen er den Titel Polygon gab (2). Vor der Entwicklung setzte er die Negative der Polygon-Serie radioaktivem Sand aus Semipalatinsk aus, was die auf den Fotos sichtbaren Spuren erklärt. Radioaktivität bleibt trotz ihrer Auswirkungen auf den Körper und die Gesundheit des Menschen ein unsichtbares Phänomen, das hier durch das Prisma der Fotografie aufgedeckt wird. Das Negativ von Polygon III ist integraler Bestandteil des Werks und wird augenblicklich in dem Metallzylinder in Form eines Generators unter der Fotografie aufbewahrt. So werden nicht nur das Negativ, sondern auch der Betrachter vor dessen tödlichen Auswirkungen geschützt. Die Thematik der «Zeit» und die Idee der «Archäologie der Zukunft» sind in Charrières Werk ständig präsent: «Mich interessiert die Zeit und ihre Wahrnehmung, und auf welche Weise sie physisch sein kann.» (3) So erstaunt es nicht, dass sich der Fotograf für Semipalatinsk interessiert. Das «Nuclear Polygon», das verschiedene Zeitebenen besitzt, steht im Einklang mit Charrières allgemeiner Vorgehensweise. Als handle es sich um eine postapokalyptische Landschaft, inszeniert die Polygon-Serie die «[…] ersten unbeabsichtigt (halb-)permanenten Denkmäler des Anthropozäns: eine posthumane Architektur der Bombe […].» (4) 1) Togzhan Kassenova, «The lasting toll of Semipalatinsk’s nuclear testing», in Bulletin of the Atomic Scientists, 2009, https://thebulletin.org/lasting-toll-semipalatinsks-nuclear-testing . Besucht am 14. Juni 2018. 2) Amelia Barikin, «Archifossiles et fossiles du futur: la paléontologie spéculative de Julian Charrière», in Nicole Schweizer (Hg.), Futur Fossil Spaces, Mailand, Mousse Publ.; Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 2014, S. 24. 3) A. a. O., S. 23. 4) Nadim Julien Samman, «La fin du monde, de nouveau», in Nicole Schweizer (Hg.), Futur Fossil Spaces, Mailand, Mousse Publ.; Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 2014, S. 38.