Alexia Ryf, 2018 :
Marie Velardi, Terre-Mer (L’île d’Elle), 2014, crayon et aquarelle sur papier, 75 x 109 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 3376, achat en 2014. Marie Velardi, Terre-Mer (Isla Mayor, Cadiz, Gibraltar), 2014, crayon et aquarelle sur papier, 75 x 109 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 3375, achat en 2014 L’artiste suisse Marie Velardi (*1977) initie en 2014 le projet Terre-Mer, série de lettres et de dessins à l’aquarelle, dont les deux compositions intitulées L’île d’Elle et Isla Mayor, Cadiz, Gibraltar sont issues. Probablement inspirée du cycle de Terremer, série de romans publiés par Ursula K. Le Guin (1929-2018), cette appellation est utilisée par l’artiste pour « évoquer des zones qui sont à la fois de terre et de mer, des régions qui sont soit sous la mer soit sur la terre, selon la période à laquelle on leur prête attention. Il s’agit de zones d’entre-deux, de zones de relation entre la terre et la mer » (1). En raison de la montée des eaux due au réchauffement climatique, certains territoires, dont les communes mentionnées ci-dessus, s’apprêtent à être submergés par l’océan dans les années à venir. Pour raconter cette évolution, Marie Velardi commence par relever au crayon, sur la base d’images satellite, le tracé des côtes actuelles. L’avancée des eaux est ensuite représentée par le bleu aléatoire de l’aquarelle liquide. Cette projection d’un territoire en devenir est construite grâce aux simulations des scientifiques retranscrites ici par l’artiste. Terre-Mer dresse ainsi les cartes d’un monde à venir. Cependant, comme indiqué plus haut, il s’agit d’une simulation et non pas d’une prévision scientifique. La cartographie « traditionnelle » ne se considère d’ailleurs pas comme une science exacte. Une carte est par définition schématique, comme l’affirme le professeur de géographie Mark Monmonier (*1943) : « Non seulement le mensonge est facile avec les cartes, mais il est même nécessaire » (2). Dans leur format, les cartes nous induisent déjà en erreur : en effet, comment représenter avec exactitude une réalité sphérique sur une surface plane ? Les cartes ne sont donc pas des « copies », mais des « projections » (3). Dès lors, il n’est pas surprenant que de nombreux artistes se soient intéressés à la cartographie. Nous pouvons citer les peintres et graveurs des Pays-Bas aux XVIe et XVIIe siècles, mais aussi avant eux Léonard de Vinci qui a conçu plusieurs cartes pour César Borgia (4). Le XXe siècle ne manque pas d’exemples avec, entre autres, les Maps de Jasper Johns (5) ou les artistes du Land Art (6). Terre-Mer s’inscrit dans cette lignée, aussi la série doit-elle être appréhendée comme une fiction, voire même comme de la science-fiction : « La carte est un merveilleux outil de science-fiction. Rien en elle ne garantit qu’elle donne à voir une situation actuelle. Il est aussi facile de représenter le virtuel, une situation historiquement datée, ou la projection d’un futur possible : aucune de ces cartes n’a plus de réalité qu’une autre, seul change leur rapport au réel instantané » (7). Le recours à l’aquarelle insère également Terre-Mer dans un contexte historique plus large. L’aquarelle est depuis longtemps la technique de prédilection des artistes pour ce qui tient du « registre documentaire » (vues topographiques, relevés botaniques ou zoologiques, élévations ou détails d’architecture) (8). Rien d’étonnant donc à ce que Marie Velardi use du dessin et de l’aquarelle pour figurer le « monde visible » (9), quand bien même celui-ci doit encore advenir. En revanche, il est intéressant de relever le choix de la technique dans le sens où, bien que des territoires soient voués à disparaître ou à se transformer de manière considérable, Marie Velardi fait le pari de la légèreté : « Comme dans toutes ses œuvres, alors que les thèmes sont parfois catastrophiques, la forme plastique n’est pas inquiétante. Pas de construction massive, lourdes et menaçantes, mais au contraire, des œuvres délicates, privilégiant le papier, le dessin, l’encre de Chine, des ballons légers comme l’air, des affiches, des photographies, une souche d’arbre dont les cernes servent d’indicateur temporel aux événements marquants du siècle passé » (10). 1) « Marie Velardi. Selected Works. Sélection de travaux 2006-2017 », [s.d.], http://marie.velardi.ch/book/MarieVelardiBook2017.pdf, consulté le 20.12.2018. 2) Guillaume Monsaingeon, Mappamundi. Art et cartographie, Marseille, Editions Parenthèse, 2013, p. 24. 3) Tom McCarthy, « Introduction », Mapping it out. An Alternative Atlas of Contemporary Cartographies, Londres, Thames & Hudson, 2014, p. 7. 4) Julien Béziat, La Carte à l’œuvre. Cartographie, imaginaire et création, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2014, p. 13. 5) Ibid., p. 14. 6) Gilles A. Tiberghien, Land Art, Paris, Editions Carré, 1995, pp. 163-195. 7) Guillaume Monsaingeon, Mappamundi. Art et cartographie, op. cit., p. 50. 8) Jean Leymarie, L’Aquarelle, Genève, Skira, 1984, pp. 7-8. 9) Graham Reynolds, Watercolours. A Concise History, Londres, Thames and Hudson, 1971, p. 10. 10) Françoise Ninghetto, « Il était une fois… demain », Marie Velardi, Zürich, Pro Helvetia ; Luzern, Edizioni Periferia, 2009, p. 43. --- Marie Velardi, Terre-Mer (L’île d’Elle), 2014, Bleistift und Aquarell auf Papier, 75 x 109 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 3376, Ankauf 2014. Marie Velardi, Terre-Mer (Isla Mayor, Cadiz, Gibraltar), 2014, Bleistift und Aquarell auf Papier, 75 x 109 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 3375, Ankauf 2014 Im Jahr 2014 beginnt die Schweizer Künstlerin Marie Velardi (*1977) das Projekt Terre-Mer (Land-Meer), eine Reihe von Briefen und Aquarellen, zu denen die beiden Kompositionen L'île d'Elle und Isla Mayor, Cadiz, Gibraltar gehören. Wahrscheinlich inspiriert von der Romanserie Terremer, die Ursula K. Le Guin (1929–2018) publiziert hat, wird dieser Name von der Künstlerin verwendet, um «an Zonen zu erinnern, die sowohl Land als auch Meer sind, Gebiete, die sich entweder unter der Meeresoberfläche oder auf dem Festland befinden, je nach dem Zeitpunkt der Beobachtung. Es sind Zwischenbereiche, Bereiche der Land-Meer-Beziehung» (1). Aufgrund des durch die Klimaerwärmung bedingten Anstiegs des Wasserspiegels bereiten sich einige Gebiete, darunter die oben genannten Gemeinden, darauf vor, in den kommenden Jahren vom Meer überflutet zu werden. Um diese Entwicklung darzustellen, zeichnet Marie Velardi zunächst mit Bleistift auf der Grundlage von Satellitenbildern die aktuelle Küstenlinie. Anschliessend wird das Vorrücken des Wassers durch das zufallsbedingte Blau der flüssigen Aquarellfarbe dargestellt. Diese Projektion eines entstehenden Territoriums ist den Simulationen der Wissenschaftler zu verdanken, die hier von der Künstlerin übernommen wurden. Terre-Mer zeigt folglich die Karten einer kommenden Welt. Wie bereits erwähnt, handelt es sich hierbei um eine Simulation und nicht um eine wissenschaftliche Prognose. Darüber hinaus betrachtet sich die «traditionelle» Kartierung nicht als exakte Wissenschaft. Eine Karte ist per definitionem schematisch, wie der Geografielehrer Mark Monsaingeon (*1943) feststellt: «Mit Karten zu lügen ist nicht nur einfach, sondern sogar notwendig.» (2) Karten führen uns bereits aufgrund ihres Formats in die Irre: Wie lässt sich eine sphärische Realität auf einer ebenen Fläche exakt darstellen? Karten sind daher keine «Kopien», sondern «Projektionen» (3). Es verwundert daher nicht, dass sich viele Kunstschaffende für Kartografie interessieren. Zu nennen sind etwa die holländischen Maler und Druckgrafiker im 16. und 17. Jahrhundert, doch auch vor ihnen Leonardo da Vinci, der mehrere Karten für Cesare Borgia entwarf (4). Auch im 20. Jahrhundert fehlt es nicht an Beispielen, man denke nur an die Maps von Jasper Johns (5) oder an die Künstler der Land Art (6). Terre-Mer fügt sich in diese Reihe ein, so dass das Werk als Fiktion, sogar als Science-Fiction betrachten werden kann: «Die Karte ist ein wunderbares Werkzeug der Science-Fiction. Es gibt keinerlei Garantie, dass sie eine aktuelle Situation zeigt. Genauso einfach kann man etwas Virtuelles, eine historisch datierte Situation oder die Projektion einer möglichen Zukunft darstellen: Keine dieser Karten hat mehr Realität als eine andere, das einzige, was sich ändert, ist ihr Bezug zur unmittelbaren Realität.» (7) Die Verwendung von Wasserfarben stellt Terre-Mer zudem in einen breiteren historischen Kontext. Das Aquarell ist seit langem die bevorzugte Technik der Künstler für das «dokumentarische Register» (topografische Ansichten, botanische oder zoologische Untersuchungen, Aufrisse oder architektonische Details) (8). So erstaunt es nicht, dass Marie Velardi mit Zeichenstift und Aquarell die «sichtbare Welt» (9) darstellt, selbst wenn diese erst im Werden ist. Dagegen ist die Wahl der Technik interessant, da Marie Velardi auf Leichtigkeit setzt, obwohl Gebiete dazu verurteilt sind unterzugehen oder sich erheblich zu verändern: «Wie in all ihren Werken ist die plastische Form nicht beunruhigend, obwohl die Themen manchmal katastrophal sind. Keine schwere und bedrohliche massive Konstruktionen, sondern im Gegenteil zarte Arbeiten, die Papier, Zeichnung und Tusche bevorzugen, Ballons, die leicht sind wie Luft, Poster, Fotografien, ein Baumstamm, dessen Ringe als Zeitindikator für die bedeutenden Ereignisse des vergangenen Jahrhunderts dienen.» (10) 1) «Marie Velardi. Selected Works. Sélection de travaux 2006–2017», [o. D.], http://marie.velardi.ch/book/MarieVelardiBook2017.pdf, besucht am 20. 12. 2018. 2) Guillaume Monsaingeon, Mappamundi. Art et cartographie, Marseille, Editions Parenthèse, 2013, S. 24. 3) Tom McCarthy, «Introduction», Mapping it out. An Alternative Atlas of Contemporary Cartographies, London, Thames & Hudson, 2014, S. 7. 4) Julien Béziat, La Carte à l’œuvre. Cartographie, imaginaire et création, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2014, p. 13. 5) A. a. O., S. 14. 6) Gilles A. Tiberghien, Land Art, Paris, Editions Carré, 1995, S. 163–195. 7) Guillaume Monsaingeon, Mappamundi. Art et cartographie, a. a. O., S. 50. 8) Jean Leymarie, L’Aquarelle, Genf, Skira, 1984, S. 7–8. 9) Graham Reynolds, Watercolours. A Concise History, London, Thames and Hudson, 1971, S. 10. 10) Françoise Ninghetto, «Il était une fois … demain», in Marie Velardi, Zürich, Pro Helvetia; Luzern, Edizioni Periferia, 2009, S. 43.