Isaline Pfefferlé, 2019 :
Not Vital (*1948), Cow Dung, 1990-2009, bronze, 35 cm, Musée d’art du Valais, Sion, inv. BA 3377, achat en 2014 Porté par ses multiples voyages, le peintre, sculpteur, architecte et sérigraphe suisse Not Vital (*1948) fait la découverte du Népal à la fin des années 1980. Au détour d’une rencontre dans les steppes, il est rendu attentif au rôle prépondérant du feu dans les causes de mortalité infantile : dans les habitations modestes où les foyers incandescents occupent une place essentielle, les enfants népalais tombent souvent dans les flammes alimentées par un combustible naturel et peu couteux, la bouse de vache (1). De retour en Suisse, l’artiste fait le moulage de bouses de vaches récoltées dans les campagnes grisonnes puis séchées au soleil. Il fond ainsi mille bronzes, tous intitulés Cow dung (littéralement « bouse de vache »), entre 1990 et 2009. Issue d’une production sérielle – une pratique très importante dans l’œuvre de Not Vital – chacune de ces sculptures reste singulière et les recettes de leur vente financeront la construction, à Katmandou, d’un hôpital spécialisé dans la prise en charge des grands brûlés (2). Bien que l’appréhension sensible de Cow dung reste universelle, la valeur sociale, culturelle et environnementale de cette œuvre particulière n’a donc de sens que dans le contexte népalais. Not Vital nous en fait prendre conscience en faisant l’usage de différents processus de traductions : d’une part, il subvertit l’objet réel – la bouse de vache suisse – pour arriver à une interprétation réaliste des bouses de vaches népalaises ; d’autre part, il substitue un matériau industriel et pérenne au caractère normalement organique et dégradable de l’objet (3). L’artiste biaise ainsi les frontières existantes entre le fond et la forme de l’œuvre et amène le spectateur à questionner sa valeur intrinsèque. Et en faisant le pari de vendre ses mille Cow dung, Not Vital éclaire deux réalités culturelles fondamentalement opposées : en Occident les collectionneurs et amateurs s’arrachent ces bronzes, tandis que dans le contexte népalais l’excrément représenté est une source de chaleur vitale et le combustible concomitamment responsable d’un taux de mortalité infantile élevé. Cow dung, aujourd’hui exposée au cœur d’une salle du Musée d’art du Valais intitulée « Corps et environnement », repose à même le sol, devant la monumentale cheminée d’époque située dans le fond de la pièce. Ironiquement, elle questionne la capacité de regard du spectateur : si nous pouvons voir cette sculpture en tant qu’objet faisant partie d’un environnement spatial, pouvons-nous la regarder à sa juste valeur, en tant qu’œuvre d’art inscrite dans un contexte muséal et véhiculant un message politique et écologique ? 1) Baron Boisanté Éditions, Not Vital, Dung, 1997 [en ligne] URL : https://www.baronboisante.com/vital (consulté le 1 juin 2019) 2) Notons que l’expérience fut tellement forte pour Not Vital qu’il décida, en 1997, de décliner la thématique sous-jacente à cette série sous la forme d’une performance : il jette des bouses de vaches fraiches sur une douzaine de plaques en cuivre préalablement vernies. Les marques laissées par l’acidité des bouses sur le cuivre lui permettent d’y appliquer une aquatinte avant qu’il ne grave et imprime chaque planche. Dung est un tirage limité en huit épreuves. de chacune de ces douze planches issues de la performance éponyme. Cette œuvre offre une clef de lecture alternative à la prise de conscience écologique vécue par Not Vital au Népal. 3) Stuzer, Beat, Not Vital, Prints & Multiples, Coire : Musée des Beaux-Arts des Grisons, 1991, p.16. --- Not Vital (*1948), Cow Dung, 1990–2009, Bronze, 35 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten, Inv. BA 3377, Ankauf 2014 Auf einer seiner zahlreichen Reisen entdeckte der Schweizer Maler, Bildhauer, Architekt und Druckgrafiker Not Vital (*1948) Ende der 1980er-Jahre Nepal. Anlässlich einer Begegnung in der Steppe machte man ihn auf die vorherrschende Rolle des Feuers bei den Ursachen der Kindersterblichkeit aufmerksam: In den bescheidenen Behausungen, in denen Feuerstellen einen wichtigen Platz einnehmen, fallen nepalesische Kinder oft in die Flammen, die von einem billigen, natürlichen Brennstoff, dem Kuhfladen (1), gespeist werden. Nach seiner Rückkehr in die Schweiz fertigte der Künstler Formgüsse von Kuhfladen an, die im Bündnerland gesammelt und in der Sonne getrocknet worden waren. Zwischen 1990 und 2009 goss er 1000 Bronzen, die alle den Titel Cow Dung (Kuhfladen) tragen. Obwohl diese Skulpturen eine Serienproduktion sind – ein wichtiger Tätigkeitsbereich in Not Vitals Werk –, bleibt jede von ihnen ein Unikat. Mit dem Erlös aus ihrem Verkauf wurde der Bau eines Krankenhauses in Kathmandu finanziert, das auf die Behandlung von Menschen mit lebensgefährlichen Verbrennungen spezialisiert ist (2). Obwohl die sinnliche Erfahrung von Cow Dung universell bleibt, hat der soziale, kulturelle und ökologische Wert dieses besonderen Werks nur im nepalesischen Kontext einen Sinn. Not Vital macht uns dies bewusst, indem er mit verschiedenen Übertragungen arbeitet: Einerseits verfremdet er das reale Objekt – Schweizer Kuhfladen –, um eine realistische Deutung der nepalesischen Kuhfladen anzubieten; andererseits ersetzt er den gewöhnlich organischen und abbaubaren Charakter des Objekts durch ein widerstandsfähiges Industriematerial (3). Damit verwischt er die bestehenden Grenzen zwischen Inhalt und Form des Werks und bringt den Betrachter dazu, dessen Eigenwert in Frage zu stellen. Indem er das Wagnis eingeht, seine 1000 Cow Dung zu verkaufen, wirft Not Vital ein Licht auf zwei grundsätzlich gegensätzliche kulturelle Realitäten: Im Westen reißen sich Sammler und Amateure um diese Bronzen, während die dargestellten Exkremente im nepalesischen Kontext eine lebenswichtige Wärmequelle, doch zugleich auch ein Brennstoff sind, der für eine hohe Kindersterblichkeitsrate verantwortlich ist. Cow Dung ist heute in einem Raum des Kunstmuseums Wallis ausgestellt, der dem Thema «Körper und Umwelt» gewidmet ist und liegt im hinteren Teil des Saals direkt auf dem Boden vor einem riesigen alten Kamin. In ironischer Weise stellt das Objekt die Fähigkeit des Betrachters in Frage: Wenn wir diese Skulptur als Gegenstand sehen, der Teil eines räumlichen Umfelds ist, können wir sie dann in ihrem wahren Wert betrachten, als Kunstwerk, das in einem musealen Kontext eine politische und ökologische Botschaft verkündet? 1)Baron / Boisanté Editions, Not Vital, Dung, 1997 [online]. 2)Die Erfahrung war für Not Vital so stark, dass er 1997 beschloss, das dieser Serie zugrunde liegende Thema in Form einer Performance zu präsentieren: Er warf frische Kuhfladen auf ein Dutzend zuvor lackierter Kupferplatten. Mittels der Spuren, die der Säuregehalt des Fladens auf dem Kupfer hinterlässt, konnte er im Aussprengverfahren eine Tuschätzung auf das Kupfer aufbringen, bevor er jede Platte gravieren und drucken liess. Dung besteht aus einer limitierten Auflage von acht Abzügen von jeder dieser zwölf aus der gleichnamigen Performance hervorgegangenen Platten. Das Werk bietet einen alternativen Schlüssel zum Verständnis des ökologischen Bewusstwerdungsprozesses, den Not Vital in Nepal durchmachte. 3)Stutzer, Beat, Not Vital, Prints & Multiples, Chur: Bündner Kunstmuseum 1991, S.16.