Sarah Gaffino-Möri, 2007 :
Gustave CERUTTI (né en 1939), Sans titre, 1974, acryl sur toile, 100 x 100 cm, Musée d’art, Sion, inv. BA 1787, achat en 1990. Le premier contact nous place devant une toile rigoureusement carrée. Elle renferme une composition condensée dans laquelle vibrent deux valeurs de rouges intenses, un rose tendre, un violet, deux bandes fines de vert clair et foncé. La toile joue sur le contraste et la tension entre les couleurs fortes – rouge et vert – et les couleurs pastel – rose et violet. Le choc de la première confrontation passé, l'approche de ces aplats enfermés dans leur carcan géométrique peut se faire de manière plus attentive et posée. Cerutti ne laisse pas un seul trait déborder de sa construction, équilibrée avec un soin méticuleux. Son œuvre est née autant par la grâce de principes physiques rationnels que sous l’emprise plus émotionnelle de l’empirisme, vouée au tâtonnement. La confrontation des couleurs est risquée au terme d’une étude patiente des relations entre chaque élément, entre chaque groupe. Et une application rigoureuse des principes géométriques s'ajoute à ce procédé lent et studieux. L’art de Cerutti est un « art concret » qui, par l’emploi de la couleur, de la lumière, et de la forme épurée, se borne à établir une « composition pure », un jeu pur. Le tableau vibre à lui tout seul, source d’énergie autonome. L’espace se construit, se meut, se fait et se défait sous nos yeux. Il nous invite, dans un langage dynamique, à le pénétrer. La courbe est délibérément exclue de la composition, mais par le jeu subtil des obliques et des angles qui en découlent, la construction s’assouplit. Ces mêmes obliques, aidées des forces contenues à l'intérieur même de la couleur, engendrent en outre l’effet spatial, la perspective : une simple ligne fait basculer les plans, les différents niveaux. Elle entraîne ainsi le spectateur dans une troublante instabilité renforcée par le choix des couleurs (tension irrésistible entre le rose et le rouge). Car si la profondeur semble apparaître par moments, elle peut tout aussi bien s’évanouir instantanément, selon la luminosité, l’intensité du regard, la concentration : le plan vacille. L’illusion, alors, est totale. Le but est atteint : la contemplation de cette œuvre nous plonge dans un état euphorique, stimulant non pas notre simple émerveillement, mais un grinçant plaisir à voir se jouer sous nos yeux une partie sauvage entre angles, formes et couleurs. Ce que l’artiste désire rendre dans sa peinture, c’est un jeu avec les limites, un « déséquilibre apparent », une « décentralisation » des formes, poussées « jusqu’à leur limite (1)» pour susciter une certaine tension. Cette tension, c'est celle que les musiciens de jazz ressentent lorsqu'ils jouent. Le peintre – passionné et grand spécialiste du jazz – en est parfaitement conscient : « On croit qu'on est en train d'atteindre le point de rupture, mais non ! Le jazz se relève toujours. Les jazzmen vivent dans un état de tension perpétuelle, et sont tout le temps en train de tenter de canaliser leurs émotions, de passer de moments débridés à un état de calme passager. C'est pareil en peinture. (2)» 1. L’auteur s’inspire directement de propos recueillis lors d’un entretien avec le peintre à son domicile à Sierre, le 26 octobre 1996. 2. Entretien avec l'artiste, 26 octobre 1996. Cerutti précise encore son processus de création : il préfère travailler d'abord sur petites maquettes, lesquelles lui permettent de se livrer tout entier avec tout son élan. Et c'est seulement après cet élan généreux qu'il « canalise » ses impulsions pour la réalisation finale. in: Sarah Gaffino-Möri, “Gustave Cerruti, Sans titre, 1974”, dans Le Musée d’art du Valais, Sion - Collectionner au cœur des Alpes, dir. Pascal Ruedin, Sion, Musées cantonaux, Paris, Somogy, 2007, pp. 138 - 139, cat. no 50. --- Gustave CERUTTI (geboren 1939), Ohne Titel, 1974, Acryl auf Leinwand, 100 × 100 cm, Kunstmuseum Sitten, Inv. BA 1787, Ankauf 1990. Beim ersten Kontakt finden wir uns vor einem streng quadratischen Gemälde. Es handelt sich um eine verdichtete Komposition, in der zwei intensive Rottöne, zartes Rosa, Lila sowie zwei feine Streifen Hell- bzw. Dunkelgrün vibrieren. Das Gemälde spielt mit dem Kontrast und der Spannung zwischen starken – Rot und Grün – und Pastellfarben – Rosa und Lila. Nach dem Schock der ersten Konfrontation kann man diese Flächen in ihrer geometrischen Umfriedung aufmerksamer und bedächtiger betrachten. Cerutti lässt keinen einzigen Strich über seine mit grösster Sorgfalt ausbalancierte Konstruktion hinausgehen. Sein Werk ist sowohl aufgrund rationaler, physikalischer Grundsätze entstanden als auch unter einem gefühlsmässigeren, empirischen, auf Versuchen gründenden Einfluss. Die Konfrontation der Farben ist riskant, das Resultat eines geduldigen Studiums der Beziehungen zwischen den einzelnen Elementen, den einzelnen Gruppen. Ausserdem kommt eine genaue Anwendung geometrischer Grundsätze zu diesem langsamen, überlegten Vorgehen hinzu. Die Kunst Ceruttis ist eine «konkrete Kunst», die sich durch die Verwendung der Farbe, des Lichts und der bereinigten Form darauf beschränkt, eine «reine Komposition» zu schaffen, ein reines Spiel. Das Gemälde vibriert von selbst, wie eine eigenständige Energiequelle. Der Raum bildet sich, bewegt sich, entsteht und vergeht vor unseren Augen. Er fordert uns in dynamischer Sprache auf, in ihn vorzudringen. Gebogene Linien wurden ganz bewusst von der Komposition ausgeschlossen, doch durch das subtile Spiel der Schrägen und Winkel wird die Konstruktion abgemildert. Es sind denn auch die Schrägen, welche durch die innere Kraft der Farbe die räumliche Wirkung, die Perspektive, entstehen lassen: Eine einfache Linie lässt die Ebenen, die verschiedenen Stufen kippen. Sie reisst den Betrachter in eine beunruhigende Unbeständigkeit, die durch die Farbwahl noch verstärkt wird (die unwiderstehliche Spannung zwischen Rot und Rosa). Denn obwohl die Tiefe manchmal zu entstehen scheint, kann sie gleich darauf wieder verschwinden, je nach Lichtverhältnissen, Blickintensität, Konzentration: Die Ebene schwankt. Die Illusion ist somit vollkommen; das Ziel erreicht: Beim Betrachten dieses Werks werden wir in einen euphorischen Zustand versetzt, nicht unsere blosse Verwunderung wird stimuliert, sondern eine verwirrende Freude darüber, dass vor unseren Augen ein wildes Spiel zwischen Winkeln, Formen und Farben abläuft. Was der Künstler mit seiner Malerei vermitteln möchte, ist ein Spiel mit Grenzen, ein «offensichtliches Ungleichgewicht», eine «Dezentralisierung» der Formen, die «an ihre Grenzen (1)» getrieben werden, um eine gewisse Spannung zu erzeugen. Diese Spannung ist es, welche Jazzmusiker spüren. Der Maler – selbst ein grosser Jazzliebhaber und -spezialist – ist sich dessen bewusst: «Man meint, man nähere sich dem Zerreisspunkt, doch nein! Der Jazz geht immer wieder weiter. Jazzmusiker leben in einem ständigen Spannungszustand und versuchen immer, ihre Emotionen zu kanalisieren, die Ausgelassenheit hinter sich zu lassen, um eine vorläufige Ruhe zu erreichen. In der Malerei ist es ebenso (2).» 1. Gespräch mit dem Maler, 26. Oktober 1996. 2. Gespräch der Autorin mit dem Künstler vom 26.10.1996. Cerutti beschreibt seinen Schaffensprozess noch genauer: Er arbeitet mit Vorliebe zuerst an kleinen Modellen, denen er sich mit seinem ganzen Elan hingeben kann. Und erst danach «kanalisiert» er seine Impulse im Hinblick auf die endgültige Kreation. in: Sarah Gaffino-Möri, “Gustave Cerruti, Ohne Titel, 1974”, in Das Kunstmuseum Wallis, Sitten - Sammeln inmitten der Alpen, dir. Pascal Ruedin, Sitten, Walliser Kantonsmuseen, Paris, Somogy, 2007, pp. 138 - 139, cat. no 50.