Stefan Trümpler, 2022 :
Au sommet de la fenêtre, à côté de l’autel du Saint-Sacrement, dont la mise en place sur une tribune vers 1274-75 aurait nécessité de murer le registre inférieur de la baie, se trouvent deux quadrilobes qui présentent les armoiries attribuées à l’évêque Édouard de Savoie (1375-1386) ainsi que celles du Chapitre, sur un fond de losanges contemporains. Leur peinture à la grisaille a été très fortement retouchée par Nüscheler. Avant son déplacement récent dans la salle du trésor, le bas de la verrière présentait, sous une arcature, un chanoine agenouillé et priant, vêtu de l’aumusse des membres du Chapitre de Valère. Le panneau n’est pas homogène, mais recomposé avec des éléments divers. Malgré l’état très dégradé de la peinture, on remarque que les restes du dessin du personnage et de son habit sont fins et nuancés ; l’encadrement architectural cependant est très sommaire. De plus, des rapports incongrus entre les différentes parties de l’arcature révèlent qu’elle a été réparée avec des fragments d’au moins deux vitraux similaires. La tête du chanoine ne montre plus que des traces de la peinture effacée, à peine visibles. La composition du fond bleu en verres dépareillés et le tracé du réseau de plombs laissent supposer que le verre blanc portant l’inscription aurait pu avoir un pendant à gauche du personnage. Nous pensons qu’il s’agit d’une image dont la composition hétéroclite est révélatrice d’un historique aussi mouvementé que significatif. À l’origine, elle a pu représenter, sur deux panneaux voisins, un chanoine en adoration d’une figure sainte (à moins que sa dévotion ne s’adresse à l’autel d’en face). Dans une deuxième phase, le personnage et l’inscription, ainsi que probablement des fragments d’autres vitraux, ont pu être insérés dans de nouveaux encadrements architecturaux. Dans une troisième étape, les restes auraient été rassemblés dans ce seul élément subsistant. Il témoignerait ainsi de deux moments (mis à part celui de 1901) et de deux attitudes différentes de remise en valeur de vestiges anciens : la première fois, il se serait agi de réutiliser des parties significatives d’une oeuvre précédente. La conservation et la remise en valeur de vestiges anciens n’est pas rare au Moyen Âge, la Vierge à l’Enfant romane « Notre-Dame de la Belle-Verrière » à la Cathédrale de Chartres en est l’exemple le plus célèbre. La seconde fois, on aurait renoncé à la sauvegarde de l’ensemble, en se contentant de préserver les restes en complétant l’image du chanoine. Quant à la chronologie des étapes évoquées et au personnage du chanoine, les éléments suivants peuvent être considérés : pour des raisons stylistiques et techniques, nous n’excluons pas que la figure et l’inscription remontent au XIIIe siècle et soient peut-être en lien avec la construction de la nef ou avec les interventions de 1274-75 dans ce secteur. Pour la deuxième phase, certaines cassures dans l’image du chanoine pourraient révéler les traces d’un incendie ; elles pourraient être liées à l’événement de 1382, du temps de l’évêque Édouard de Savoie. On aurait réparé et réaménagé la fenêtre endommagée sans tarder, en plaçant les armoiries actuelles au sommet et en restaurant le registre imagé. Les éléments de l’arcature évoquent déjà la typologie de ces motifs sur les peintures murales et les volets de l’orgue du XVe siècle. Les armoiries en quadrilobes rappellent les verrières en grisaille antérieures et auraient pu être choisies dans la continuité d’un décor répandu dans l’église. Si le fond à losanges du XIVe siècle avait remplacé ce type d’ornementation dans la fenêtre précédente, on pourrait émettre l’hypothèse d’une réalisation combinant éléments figuratifs et surfaces ornementales comme ils deviennent à la mode vers le milieu du XIIIe siècle dans des cathédrales françaises. La dernière démarche de réduction, « archéologique », pourrait avoir eu lieu lors des réparations et des changements du décor verrier sous l’Ancien Régime. Quant à l’identification du personnage, on peut admettre que l’inscription faisait référence au nom du donateur, puisqu’elle désignait aussi sa fonction. Ceci correspond d’ailleurs à l’iconographie habituelle de ce genre de représentation. Cependant, le fragment de texte reste énigmatique, en raison de sa taille très réduite et de son état de conservation. Pour le titre abrégé, la lecture de « CAN[ONICUS] » (chanoine) est probable, à moins qu’il s’agisse d’un cantor ou, en rajoutant deux lettres sur un éventuel complément à gauche du personnage, d’un « DE/CAN[US] » (doyen). À gauche, on aurait également pu lire l’abréviation de « dominus » que l’on trouve usuellement en tête d’un telle indication. Par rapport au nom, le G et le NA, clairement séparés par un espace et éventuellement des points, pourraient se référer à deux membres du Chapitre du XIIIe et du XIVe siècle, Guillermus de Narres (Willermus de Naters, mentionné de 1221 à 1267) et Guillelmus Pavonis (mentionné de 1376 à 1388). Ces identifications restent néanmoins incertaines : dans la première option, des lettres intermédiaires (Venerabilis, Valeriae, Sedunensis… ?) posent problème et dans la seconde, les initiales N et P(AVONIS) auraient été confondues. « Fragments d’une verrière médiévale avec l’image d’un chanoine en prière, et deux quadrilobes armoriés », in: Le bourg capitulaire et l'église de Valère à Sion, Les Monuments d'art et d'histoire de la Suisse, Canton du Valais, tome VIII, Berne: Société d'histoire de l'art en Suisse, 2022, pp. 185-186.