Céline Eidenbenz, 2020 :
Bertrand Stofleth (*1978), Alpes, massif du Saint-Gothard, glacier du Rhône (série Rhodanie), 2013, tirage photographique sur papier baryté Hahnemühle (1/5), Musée d'art du Valais, Sion, inv. BA 3424, achat en 2016. Bertrand Stofleth (*1978), Leuk, Umfahrungsstrasse, calvaire et belvédère sur la forêt de Finges (série Rhodanie), 2013, tirage photographique sur papier baryté Hahnemühle (1/5), 110 x 135 cm, Musée d'art du Valais, Sion, inv. BA 3425, achat en 2016. Bertrand Stofleth (*1978), Port-Valais, route de la Plage, arrivée du Rhône au lac Léman (série Rhodanie), 2013, tirage photographique sur papier baryté Hahnemühle (1/7), 90 x 110 cm, Musée d'art du Valais, Sion, inv. BA 3426, achat en 2016. Bertrand Stofleth (*1978), Ancône, lône de l’Homme d’Armes, digues et centrale nucléaire de Cruas (série Rhodanie), 2007, tirage photographique sur papier baryté Hahnemühle (2/5), 110 x 135 cm, Musée d'art du Valais, Sion, inv. BA 3427, achat en 2016. Bertrand Stofleth (*1978), Saintes-Maries-de-la-Mer, lieu-dit le Reculat, le Petit Rhône, 2011, tirage photographique sur papier baryté Hahnemühle (1/5), Musée d'art du Valais, Sion, inv. BA 3428, achat en 2016. Parmi les dernières œuvres importantes concernant l’iconographie du Rhône, la série Rhodanie (2007-2014) de Bertrand Stofleth se démarque par son ambition géographique et internationale, puisqu’elle retrace l’ensemble du parcours du Rhône, du glacier en Valais à la Camargue au bord de la Méditerranée. Constituée d’une centaine de tirages au total, mais répartis dans différentes collections, Rhodanie présente un point de vue constant : toutes les images ont été prises à la même hauteur depuis une nacelle élévatrice – sur le modèle de Bernd et Hilla Becher de l’Ecole de Düsseldorf (1). Exemptes de retouches, elles procèdent d’une recherche d’objectivité. Parfois absent de l’image comme dans la série Di Lé (du Glacier du Rhône au Lac Léman) (2007-2012) de Corinne Vionnet (2), le Rhône est ici portraituré sous toutes ses coutures, avec les habitants de ses berges et les activités qui en découlent. Alpes, massif du Saint-Gothard, glacier du Rhône parle d’une époque où l’admiration de la pureté originelle du glacier se mêle à des préoccupations écologiques. Devant la masse grise et fondante, un géologue se présente en tenue de randonnée, mais sa valise à roulettes (remplies de pierres, selon le témoignage de l’artiste) trahit la proximité de la ville – évoquant aussi l’échec symbolique du glacier, voué à disparaître d’ici les cent prochaines années. Dans Leuk, Umfahrungsstrasse, calvaire et belvédère sur la forêt de Finges, un promeneur se repose aux côtés d’un Christ en croix tout en admirant la formation en amande de la plaine alluviale dans le Bois de Finges. Son appareil photo posé sur le banc provoque une mise en abîme du médium photographique. Quant à la prise de vue Port-Valais, route de la Plage, arrivée du Rhône au lac Léman, elle offre une image industrielle inhabituelle avec sa gravière située dans un endroit surnommé autrefois la « Bataillère », ce point de rencontre entre les eaux brunes du Rhône et l’étendue bleue du Léman font l’effet d’un combat entre deux forces naturelles. Du côté français, Stofleth n’hésite pas à aborder la question des centrales nucléaires : Ancône, lône de l’Homme d’Armes, digues et centrale nucléaire de Cruas présente au premier abord la vue reposante d’une surface aquatique traversée par un promeneur à cheval, un jet-ski et une voiture rouge, répartis dans un triangle quasi équilatéral. Ce n’est qu’en un deuxième temps que l’œil aperçoit la centrale nucléaire, installée aux abords du cours d’eau pour permettre le refroidissement de son réacteur par le Rhône. Le regard critique de Bertrand Stofleth aborde tous les aspects du fleuve, y compris ceux qui paraissent a priori anodins ou inesthétiques. Cette audace mérite d’être soulignée, d’autant plus que les images dénonçant l’usage du nucléaire ou la pollution du fleuve (benzidine, mercure, aluminium à Chippis) sont rares parmi les représentations artistiques du fleuve alpin de l’époque contemporaine (3). Finalement, lorsque le Rhône se déverse dans la Méditerranée non loin de son delta en Camargue, Stofleth illustre le rendez-vous d’une masse de touristes avec des taureaux camarguais. Il joue sur des échanges entre regardants et regardés et crée la confusion entre les animaux prétendument en liberté et les publics « captifs ». (1) Voir Michel POIVERT, « L’art des rives », dans Rhodanie, de Pont-Saint-Esprit à la mer Méditerranée, Villeurbanne, Editions Deux-Cent-Cinq, 2013 ; Nicolas GIRAUD et Gilles A. TIBERGHIEN, Bertrand Stofleth, Rhodanie, Arles, Actes Sud, 2015. (2) Voir par exemple Corinne Vionnet (*1969), Julie, Choëx, (2010, photographie tirée sur papier Hahnemühle, 92 x 110 cm, Sion, Musée d’art du Valais, inv. BA 3550, achat en 2020. (3) Voir Céline EIDENBENZ, « Le Rhône et les rêves. Iconographie du fleuve alpin au fil des collections du Musée d’art du Valais », dans Le Rhône. Territoire, ressource et culture, textes réunis par Emmanuel REYNARD, Alain DUBOIS et Muriel BORGEAT-THELER, Sion, 2020 (Cahiers de Vallesia, 33), p. 299-326.