Alice Bailly (1872 - 1938, peintre et graveuse)
Femme d'Evolène


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Elisa de Halleux, 2022 :

Alice Bailly (1872-1938), Femme d’Évolène, sans date, xylographie, 40 x 28 cm. Musée d’art du Valais, Sion. Achat en 2020. Inv. BA 3567 Réalisée par Alice Bailly en 1906, cette estampe appartient à une série gravée inspirée par les paysages valaisans et leur population. Intitulé En Valais, l’ensemble comprend, outre la présente Femme d’Évolène, cinq autres gravures sur bois : Le Val d’Hérens, Petite Valaisanne, La Fileuse, La Place du village et À la fontaine. Le Musée d’art du Valais possède également un exemplaire des deux dernières estampes citées. Ces sujets valaisans étaient alors appréciés par les peintres en quête d’un certain primitivisme rural, en particulier les représentants de l’« École de Savièse », comme Édouard Vallet, Marguerite Burnat-Provins ou Ernest Biéler. Alice Bailly fit plusieurs séjours en Valais, en 1902 et 1903, et y réalisa des croquis de scènes qu’elle grava ensuite à Paris. Après un premier séjour à Montparnasse en 1904, l’artiste s’installe dans la capitale en 1906, abandonnant son atelier genevois. Les premières scènes valaisannes gravées remontent à son séjour parisien. Sensible au fauvisme à ses débuts, l’artiste développe dans ses tableaux de l’époque un intérêt prononcé pour les couleurs vives, qui est également perceptible dans ses estampes, notamment dans ce visage de paysanne marqué par un chromatisme audacieux. Le travail sur le contre-jour évoque la luminosité puissante du canton alpin. Cette lumière éclatante est également présente dans La P'lace du village et Le Val d’Hérens, où elle y est accentuée par l’emploi de grands aplats de couleur, proches de l’esthétique des Nabis. Dans ces deux gravures, le ciel est entièrement jaune – un jaune saisissant, presque aveuglant – de même que le chemin et la place du village. Notons que, d’une épreuve à une autre, l’artiste modifie beaucoup son image : les couleurs, en particulier, varient en intensité et en saturation. Il existe également une version monochrome – plus exactement un camaïeu de noir, gris clair et gris foncé – de la Femme d’Évolène. Si la production gravée de l’artiste semble avoir été principalement motivée par des besoins financiers, ses estampes témoignent néanmoins d’une capacité d’expérimentation remarquable. La simplification des volumes, les couleurs vives, les contrastes marqués, la clarté de la composition, l’intensité en somme de cette Femme d’Évolène sont autant d’éléments, présents dans les recherches picturales d’Alice Bailly, qui signalent la modernité d’une artiste tour à tour marquée par les Nabis, le fauvisme, le cubisme, le futurisme et le mouvement Dada (1). Les autres œuvres conservées au Musée d’art du Valais – aussi bien la petite aquarelle À l'orée d'un bois (1909) que la grande huile sur toile Plénitude, femme allongée au torse nu (1912) ou Marché à Sion (vers 1925) – témoignent de la manière toute personnelle dont l’artiste se confronte aux avant-gardes. (1) Voir Paul-André Jaccard (dir.), Alice Bailly. La fête étrange, Lausanne/Milan, MCBA, Editions 5 Continents, 2005.