Coffret de mariage


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Charles Corinne et Veuillet Claude, 2012 :

Ce coffret peint sur toutes ses faces se caractérise par son iconographie courtoise et par un couvercle en pyramide tronquée. Cette typologie est reprise d’une forme particulièrement ancienne, issue de celle des précieux coffrets en ivoire d’origine maure ou arabo-normande; elle persistera bien après 1500. Construction L’identification de l’essence végétale a été rendue possible grâce aux lacunes de la peinture. La peinture et le marouflage complet de l’intérieur du coffret ne permettent pas une observation visuelle du bois. L’ absence de traces de joints d’assemblages ouverts laisse supposer que tous les éléments qui composent le coffret sont monoxyles. La caisse est assemblée à plat-joint cloué renforcé par des ferrures et quatre cornières d’angle. Le couvercle à poignée est constitué par quatre pans coupés et un dessus assemblés à plat-joint cloué à l’onglet. Un fer plat fait office de couvre-joint. Le couvercle s’articule à l’aide de trois pentures et ferme grâce à une serrure encastrée comportant un verrou à moraillon et un palâtre quadrangulaire agrémenté de sobres découpes. Décor La scène principale est située sur la partie plate du couvercle. Un jeune homme et sa dame sont représentés assis, dans la tradition des scènes courtoises issues du Roman de la Rose, ouvrage célèbre au Moyen Age. La femme est vêtue d’une robe ample, à taille haute et à revers de fourrure blanche aux poignets et au col. Elle porte une grande coiffe, dérivant des coiffes bourguignonnes à deux cornes. L’homme est habillé d’une robe courte et large, resserrée à la taille par une ceinture, également à revers de fourrure blanche (encolure, manches largement fendues et bas de la robe). Il porte une coiffe à larges bords et des bas ajustés – l’un blanc, l’autre noir – appelés chausses parties. Ces caractéristiques vestimentaires, issues de la mode franco-flamande du duché de Bourgogne au début du XVe siècle, indiquent l’origine patricienne ou bourgeoise des personnages. Dès les années 1410-1420, elles s’imposent dans les grandes cours d’Europe et survivent jusque dans les années 1470-1480. Il reste de multiples témoignages de ces modèles vestimentaires (peintures murales, manuscrits, sculptures), réalisés avec plus ou moins de finesse ou de détails. Ces modèles furent également transposés dans les arts appliqués (tapisseries, coffres et coffrets peints et sculptés, émaux), persistant jusque vers la fin du XVe siècle dans les régions périphériques. Deux têtes grotesques sont peintes sur l’avant du couvercle, alors que l’arrière est orné de larges fleurs. Le trait est simplifié et vigoureux. Les côtés du coffret sont décorés de motifs végétaux, feuilles stylisées et rinceaux. L’arrière est simplement orné de lignes ondulées. La palette de couleurs choisies est caractéristique: le décor joue principalement sur l’alternance du rouge et du bleu-vert (robe rouge de la femme sur fond bleu-vert, l’inverse pour l’homme). Les fonds sont agrémentés par des motifs végétaux peints en jaune. Les décors sont nettement délimités par des bordures d’encadrement réalisées en noir. Les ferrures du couvercle sont ornées au centre de trois faux grelots (ils ne contiennent pas la petite boule qui les fait sonner). Au Moyen Age, les oiseaux utilisés pour la chasse étaient munis d’un grelot; dans les scènes courtoises, le jeune noble en quête d’amour était souvent représenté avec un faucon portant un grelot attaché à la patte. Cet attribut profane de la chasse et de l’amour courtois est repris sur ce type de coffret au moyen des faux grelots. Les gestes des personnages et leur position assise face à face sont à mettre en rapport avec l’iconographie des cours d’amour et des conversations galantes qui se déroulaient dans des jardins d’agrément, généralement clos, en tout cas à l’extérieur. Ces scènes galantes ont été maintes fois représentées au XVe siècle dans l’enluminure, en gravure, en tapisserie ou en peinture murale. Nous pouvons rattacher ce coffret à d’autres exemplaires conservés en Suisse: un autre coffret conservé à Valère (MV 3468), un coffret qui fait partie des collections du Musée d’art et d’histoire de Genève; un exemplaire conservé au Musée historique du Vieux-Vevey. Nous y retrouvons les mêmes caractéristiques iconographiques (couple d’amoureux assis dans un jardin), des décors végétaux similaires peints en jaune, le procédé identique de l’alternance entre le rouge et le bleu-vert pour les motifs et les fonds ainsi que les contours de silhouettes vigoureusement peints en noir. Ils sont identiques également par leur forme, leurs proportions, voire même leurs dimensions, et leurs ferrures à faux grelots. Les quatre coffrets comparés ici pourraient avoir été réalisés dans un même foyer culturel. Compte tenu de leurs caractéristiques touchant l’iconographie, la mode vestimentaire et les tonalités dominantes, nous proposons un rapprochement avec la production de certaines tapisseries des ateliers bâlois, qui montrent le même engouement pour cette mode vestimentaire franco-flamande. Par ailleurs, c’est dans ce milieu de la tapisserie bâloise que nous avons retrouvé le plus grand nombre d’exemples pour le procédé caractéristique des champs de couleur alternés rouge et bleu-vert, permettant au personnage habillé de la couleur inverse de se détacher harmonieusement des fonds. Les rinceaux stylisés, peints en jaune sur les coffrets avec scène courtoise, pourraient être la transposition simplifiée sur bois de ces rinceaux jaunes tissés sur les fonds rouges et bleu-vert des tapisseries bâloises. Les peintures des coffrets, qui se veulent raffinées par leur iconographie se rattachant à une tradition de cour, sont exécutées de manière simple, voire fruste. Le style pourrait s’apparenter aux œuvres du Rhin supérieur. Les dernières recherches sur le mobilier médiéval bourguignon ont mis en lumière que la ville de Bâle était connue au XVe siècle pour un certain type de coffres. Peut-être était-elle connue également pour sa production de coffrets. Le registre d’entrée du Musée désigne cette pièce comme un «coffret de mariage provenant de la sacristie de l’église de Valère», à l’instar du coffret MV 3468. "Coffret à scène courtoise", in: : Marie Claude Morand (sous la dir.), Coffres et coffrets du Moyen Age dans les collections du Musée d’histoire du Valais, Valère, Art & Histoire 3, Ed. hier+jetzt et Musées cantonaux du Valais, Baden/Sion, 2012, vol. 2, pp. 204-209.