Corinne Charles et Claude Veuillet, 2012 :
Typique des coffres romans et gothiques de Valère, un meuble d’allure modeste remis en lumière par la recherche. Construction Six éléments ont été analysés pour la datation dendrochronologique: les deux pieds avant et le pied arrière droit, les planches supérieures de la face, et du dos et la planche inférieure du côté gauche. Pour l'arolle, la présence du dernier cerne de croissance sous l’écorce du pied avant gauche indique un abattage en automne/hiver 1272/73. Du point de vue du rythme de croissance, les trois bois sont similaires, ce qui indique qu’ils sont issus du même arbre. L'arolle utilisé était âgé d’environ 120 ans l’année de sa coupe. La datation du mélèze est plus délicate, le rythme de croissance des trois bois n’étant pas homogène. L’absence du dernier cerne de croissance et de l’aubier sur un échantillon ne permet pas de préciser l’année d’abattage. Les dates obtenues, aux environs de 1182 (avec réserve) indiquent cependant que des bois plus anciens ont été utilisés, très probablement en réemploi. Le couvercle est monoxyle. La face, le dos, les côtés et le fond sont composés de deux planches assemblées à plat-joint tourillonné. La caisse est en retrait par rapport aux pieds. La face et le dos sont assemblés à tenon et mortaise à vif. Le tenon ne possède pas d’arasement mais comporte un épaulement. Le tenon des côtés a été arasé sur les deux faces; cette intervention est irrégulière, elle a probablement été exécutée pour faciliter la pénétration du tenon dans la mortaise. Ces assemblages sont bloqués par des chevilles en bois dur: deux seulement pour la face et le dos, quatre pour les côtés. Le fond est en rainure, l’embrèvement est à languette bâtarde chevillée. Afin d’assurer une bonne résistance à l’assemblage du fond, les côtés sont amincis en biais pour conserver suffisamment de bois au niveau de la rainure. Le sommet des pieds est taillé en forme de lunule à l’intérieur de la caisse, et les arêtes sont cassées pour éviter les accrochages sur des angles vifs. Le couvercle, qui déborde légèrement sur les quatre côtés de la caisse, s’articule à l’aide de deux pentures et ferme grâce à une serrure à encastrer aujourd'hui disparue. Deux charnières à œillets sont encore en place, ce sont les ferrements d’origine. L’analyse des traces de rabotage démontre sans ambiguïté une intervention parfaitement homogène. Tous les éléments qui composent ce meuble, y compris les bois de réemploi, ont été façonnés avec le même rabot. Usage et destination Par ses caractéristiques de forme, de construction et d’assemblage, par l’emploi de deux essences déjà employées dans le corpus de Valère, ce meuble massif et de grandes dimensions s’inscrit dans la typologie générale des coffres romans et gothiques du Musée d’histoire. Sa survivance est instructive pour l’étude du mobilier médiéval. Il ne devait s’agir ni d’un coffre de prestige (absence de décor), ni d’un coffre-fort (une seule serrure, absence de ferrures), mais d’un meuble d’usage courant, destiné au rangement d’objets encombrants, comme il y en avait un grand nombre dans les demeures importantes et les églises. Ce coffre était autrefois entreposé dans l’ancienne salle des archives de l’église de Valère; il portait une vieille étiquette, clouée en façade, marquée de la lettre B majuscule. Ce marquage alphabétique nous renseigne sur son utilisation probable, à savoir le rangement des registres et archives du Chapitre de Valère. Trois autres coffres, portant les anciennes marques A, F et H, sont conservés au Musée: MV 8691, 8692 et 8693. A une époque difficile à préciser, les coffres portant les étiquettes A, B, F et H ont dû être regroupés. Il devait s’agir de la même campagne de rangement général des registres du Chapitre, car ces anciennes étiquettes sont contemporaines entre elles (papier, mode de fixation et mode d’écriture des grandes lettres). Cet exemplaire pourrait être un des deux coffres dont il est question dans l’inventaire des biens de l’église de Valère de 1364. Ces deux meubles sont mentionnés comme étant situés «vers l’autel saint André, devant et derrière un pilier». De diverses mentions de cet autel lors des processions dans l’église, nous pouvons déduire qu’il était probablement érigé à l’angle sud du jubé. Le pilier en question pourrait être celui contre lequel sera adossé l’autel saint Sébastien au XVe siècle. Comme l’inventaire de 1364 précise qu’un seul chanoine possède la clé de ces coffres, c’est qu’ils ne sont équipés que d’une seule serrure. Il pourrait donc s’agir de l’exemplaire ici présenté et du coffre MV 8691, qui possède d’ailleurs des dimensions équivalentes. "Coffre à pieds-montants sans décor", in: Marie Claude Morand (sous la dir.), Coffres et coffrets du Moyen Age dans les collections du Musée d’histoire du Valais, Valère, Art & Histoire 3, Ed. hier+jetzt et Musées cantonaux du Valais, Baden/Sion, 2012, vol.2, pp. 56-58.