Casimira Dabrowska
Image reliquaire de Maurice Tornay


Picture

Antonietti Thomas, 2003 :

L’image reliquaire, contenant dans l’angle inférieur gauche un fil noir ajouté, illustre la carrière posthume du chanoine augustin Maurice Tornay (1910–1949). La date d’impression est celle du début du procès en béatification et la mise en place de la relique est celle de la fin du dit procès. La relique – un petit fil noir – provient d’une soutane du père Tornay. Afin d’établir des reliques par attouchement, les chanoines du Grand-Saint-Bernard ont conservé plusieurs pièces de ses vêtements après sa mort. Dans les années 1987 furent prélevés de la tombe de Maurice Tornay à Atuntze, au Tibet, quelques ossements, déposés – comme quasi reliques – dans l’ancienne Mission de Yerkalo. Maurice Tornay est né en 1910, à La Rosière (commune d’Orsières). Il entra en 1931 dans l’ordre régulier des chanoines de saint Augustin du Grand-Saint-Bernard et devint missionnaire dans la province chinoise de Yunnan. Cette mission des chanoines située dans la zone frontière entre le Tibet et la Chine débuta en 1933. Elle devait poursuivre la tradition de l’hospice du Grand-Saint-Bernard dans un environnement géographique nouveau. L’objectif était de bâtir un hospice entre les hautes vallées du Mékong et du Salouen afin d’offrir un refuge aux nombreux pèlerins et marchands empruntant ces passes situées à près de 4000 mètres d’altitude. La construction de l’hospice demeura inachevée, car les chanoines durent quitter la Chine en 1952. En 1945 le père Tornay y reprit la Mission de Yerkalo, région de tradition tibéto-lamaïste. Cette mission chrétienne avait rencontré dès sa fondation en 1865 par la Société des Missions Etrangères de Paris une résistance acharnée de la part des lamas bouddhistes qui y voyaient une menace à leur suprématie. A plusieurs reprises, des missionnaires européens eurent à payer l’avance du christianisme de leur vie et l’action missionnaire ne remporta que peu de succès. En 1946, Maurice Tornay fut chassé de Yerkalo et sa tentative d’y retourner échoua. C’est pourquoi le missionnaire décida de rencontrer directement le chef spirituel des Tibétains. Sous l’aspect d’un marchand indigène, il se mit en route pour Lhassa en juillet 1949. Vraisemblablement reconnu, il fut abattu avec l’un des ses domestiques. La ténacité de Maurice Tornay et son mépris du danger, voire de la mort, le prédestinaient au martyre. Aussi, peu de temps après sa mort, les chanoines du Grand-Saint-Bernard introduisent sa cause en béatification. Le procès s’ouvre en 1953 par l’audition des témoins et la constitution d’un dossier exhaustif. Il s’agit de prouver, que Maurice Tornay avait bien subi le martyre, «…mort infligée par un ennemi de la foi chrétienne, mort infligée en haine de la foi» et de la part du serviteur de Dieu, «que la mort soit acceptée volontairement». En 1963, le dossier n° 111, volumineux rapport de l’enquête, est déposé auprès de la Congrégation pour la cause des saints à Rome. Après examen par les organes ecclésiastiques, les procès sont reconnus valables. En 1992 le Congrès ordinaire des cardinaux et des évêques chargés d’examiner la cause accepte la demande. Le décret final promulgué par le pape reconnaît au père Maurice Tornay le titre de «martyr de la foi». S’agissant d’un martyr, il n’est plus nécessaire aujourd’hui de fournir la preuve des miracles pour obtenir la béatification. Celle-ci a donc lieu le 16 mai 1993, à Rome, en présence de nombreux pèlerins venus du Valais. Les frais du procès en béatification s’élèvent à deux cent mille francs suisses, somme qui a été en grande partie couverte par des dons. Par la béatification le pape autorise le culte liturgique pour le diocèse de Sion, l’Abbaye de Saint-Maurice et la Congrégation des chanoines du Grand-Saint-Bernard. Par la suite, la vénération de Maurice Tornay fut diffusée par l’image reliquaire, la prière au bienheureux, le portrait du martyr, des reliques et des publications. Sa fête est instituée le 11 août, jour de sa mort. Chaque année, une procession a lieu à la chapelle de La Rosière en souvenir du bienheureux. Des pélerinages sont régulièrement organisés à Yerkalo et à l’endroit présumé de son martyre. En 2002 l’oratorio «Le Curé de Yerkalo», œuvre du musicien Oscar Lagger sur un texte de Jacques Darbellay, est représenté pour la première fois à Saint-Maurice. La vénération par l’Eglise universelle requiert en plus de la béatification, la proclamation de sainteté par la canonisation. Cette ultime étape exige la preuve des miracles qui ont été accomplis par l’intercession du bienheureux. Au verso de l’image religieuse contenant la relique se trouve l’invitation faite aux fidèles: «Prière de faire connaître les faveurs obtenues par l’intercession du Serviteur de Dieu au Chanoine Ch. Giroud, Vice-Président de la Cause, Martigny (Valais, Suisse)». "Image reliquaire avec portrait du père Maurice Tornay”, in: Morand Marie Claude (dir.), Musée cantonal d'histoire Sion. Guide des collections, Sion: Editions des Musées cantonaux du Valais, 2003, pp. 48-52.