Albert Chavaz (1907 - 1990, peintre, aquarelliste, dessinateur, graveur et verrier)
Jeanne Héritier


Picture

Isaline Pfefferlé, 2019 :

Albert Chavaz (1907-1990), Jeanne Héritier, 1937, huile sur toile, 87 x 60 cm. Musée d’art du Valais, Sion. Achat en 2017. Inv. BA 3441 Originaire d’Onex (GE) où il naît en 1907, Albert Chavaz développe très tôt dans sa carrière des liens profonds avec le Valais. Formé à l’École des Beaux-Arts de Genève entre 1927 et 1932, il reçoit pour la seconde fois le Prix Harvey (1) en 1934. La même année, Edmond Bille (1878-1959) le mandate pour la décoration de l’église de Fully. Il se rend alors en Valais, accompagné de ses amis Paul Monnier (1907-1982) et Joseph Gautschi (1900-1977). Six mois plus tard, Chavaz doit rentrer à Genève mais les propriétaires du Café de la Croix Fédérale, chez qui il a logé durant les travaux, Jeanne et Raymond Héritier, lui proposent de prolonger son séjour. En 1936, le Genevois dépose définitivement ses bagages dans les dépendances de l’établissement du généreux couple, sans savoir que le Valais l’adoptera rapidement. Une année plus tard, Chavaz exécute ce portrait à l’huile de la tenancière saviésanne. Debout et vêtue d’une robe élégante, Jeanne Héritier se tient à ce qui pourrait être le dossier d’une chaise dont on ne voit que les couleurs sobres et les motifs bariolés (2). La délicatesse de la touche permet presque de sentir la légèreté de la soie de son vêtement. Son regard est orienté vers l’horizon, hors champ. Elle porte de simples perles aux oreilles et ses joues sont un peu rosies. Le statisme de ce portrait en plan américain – cadré à mi-cuisses – (3) est équilibré par le positionnement audacieux de ses mains : la gauche qui se déploie au premier plan répond à la droite, dont seuls les doigts dépassent du dossier. Derrière le modèle, un fond bleu uni, tombant comme le drapé d’un rideau, sature l’espace et prive la scène d’arrière-plan. Parallèlement à son travail monumental, Chavaz ne cesse de produire des huiles et de multiples petits formats. Parmi le panel des vingt thématiques identifiables rétrospectivement dans son œuvre peint, il convient de relever le nombre important de portraits de femmes. Les quelques 720 huiles dénombrées (4) peuvent être classées selon trois sous-groupes thématiques (5) : les commandes de portraits de femmes de la haute société romande, les femmes de son quotidien – connaissances, amies et membres de sa famille, serveuses, vendeuses, paysannes et inconnues, ses « Valaisannes » (6) – ainsi que les séries de portraits des modèles. Dès 1945, Agnès, Fanny et Albertine, puis Zabo, Diane et Isabelle Tabin-Darbellay (*1947) pour ne citer qu’elles, occupent une place essentielle dans l’œuvre sérielle d’Albert Chavaz (7). Quelles que soient leurs origines, les femmes de Chavaz n’ont en rien les caractéristiques esthétiques et folkloriques qu’Ernest Biéler (1863-1948), chef de file des peintres de l’École de Savièse, attribue aux habitantes du Valais. Détaché de toute forme de régionalisme, Chavaz peint les femmes pour les traits de leurs visages, pour leurs attitudes singulières ou pour leurs tenues, au-delà du stéréotype. Mais la répartition tripartite des femmes de Chavaz n’étant pas immuable, il n’est pas étonnant de constater la porosité de ces typologies féminines. Où situons-nous alors le portrait de Jeanne Héritier ? L’huile s’inscrit-elle dans les Valaisannes ou dans le corpus de commandes officielles des années 1930 ? Qu’en est-il de ce second portrait daté de 1938 où Chavaz représente la tenancière dans des atours beaucoup plus simples et modestes (8)? In fine, si cette œuvre représente la tenancière d’un établissement, elle reconnait surtout la personne et ses qualités humaines, derrière le statut et la profession. En ce sens, la frontalité notoire de Madame Héritier, hiératique, exprimer le grand respect que l’artiste a dû éprouver envers cette dernière (9). Effectivement, le couple a offert inconditionnellement gîte, couvert et même argent de poche au jeune artiste entre 1936 et 1940 (10). L’œuvre témoigne ainsi de la reconnaissance d’Albert Chavaz pour la famille Héritier, véritables mécènes ayant contribué au lancement de sa carrière artistique en Valais. 1) Le Prix Harvey, ainsi que les prix Diday, Calame, Neumann, Spengler et Stoutz étaient les prix décernés à l’époque, par la Société des Arts de Genève. Aujourd’hui, ils ont été regroupés sous le nom de « Prix de la Société des Arts de Genève ». Albert Chavaz reçoit le Prix Harvey à trois reprises (1931, 1934 et 1942) ainsi que le prix Diday en 1946. 2) La chaise à laquelle se tient Madame Héritier pourrait avoir été réalisée ou rehaussée par l’architecte, décorateur et mécène valaisan Louis Moret (1911-1987). Ce dernier était très proche d’Albert Chavaz dont il avait présenté les œuvres pour la première fois en Valais à l’Atelier, sa galerie sédunoise, en 1935. 3) Christophe Flubacher, Artistes valaisans : collection de la Banque Cantonale du Valais, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2017, p.92. 4) Stefan Biffiger, Paul R. Riniker, Albert Chavaz 1907-1990 Catalogue de l’œuvre peint, Visp, Éditions Rotten, 2000, p.110. 5) Le classement thématique est celui établi par la Fondation Albert Chavaz dans le catalogue raisonné publié en 2000. 6) Stefan Biffiger, Paul R. Riniker, Ibid., 2000, p.110. 7) Stefan Biffiger, Paul R. Riniker, Ibid., 2000, p.128-129. 8) Albert Chavaz, Madame R. Héritier, 1938, huile sur toile sur châssis, 63 x 49 cm, Collection privée, Lausanne, Inv. N° S17-780A. 9) Françoise Jaunin, « L’architecte du silence », in Albert Chavaz, Rétrospective 75 ans à la Fondation Pierre Giannada Martigny, Brigue, Éditions Rotten, 1983, p.13. 10) Échange entre l’auteure et l’un des fils de l’artiste, Bernard Chavaz, le 28.05.2019. --- Albert Chavaz (1907–1990), Jeanne Héritier, 1937, Öl auf Leinwand, 87 x 60 cm, Kunstmuseum Wallis, Sitten. Ankauf 2017. Inv. BA 3441 Albert Chavaz, der 1907 in seinem Heimatort Onex (GE) geboren wird, entwickelt bereits früh in seiner künstlerischen Laufbahn enge Beziehungen zum Wallis. Nachdem er von 1927 bis 1932 an der Genfer Ecole des Beaux-Arts studiert hat, erhält er 1934 zum zweiten Mal den Prix Harvey (1). Im gleichen Jahr beauftragt ihn Edmond Bille (1878–1959) mit der Ausschmückung der Kirche von Fully. Begleitet von seinen Künstlerfreunden Paul Monnier (1907–1982) und Joseph Gautschi (1900–1977) begibt er sich ins Wallis. Sechs Monate später müsste er nach Genf zurückkehren, doch die Besitzer des Café de la Croix Fédérale, wo er in Sitten während der Arbeiten logierte, bieten ihm an, seinen Aufenthalt nach Belieben zu verlängern. 1936 lässt sich der Genfer endgültig in einem Nebengebäude des Gasthauses des grosszügigen Paars nieder, ohne zu wissen, dass ihn das Wallis schnell adoptieren würde. Ein Jahr später malt Chavaz dieses Ölporträt der Wirtin aus Savièse. Jeanne Héritier, die ein elegantes Kleid trägt, ist stehend dargestellt. Sie hält sich an etwas, das der Rückenlehne eines Stuhls gleicht, von der aber nur schlichte Farben und ein buntes Muster zu sehen sind (2). Die Zartheit des Pinselstrichs lässt den Betrachter fast die Leichtigkeit der Seide ihres Kleidungsstücks spüren. Ihr Blick ist auf den Horizont ausserhalb der Bildfläche gerichtet. Sie trägt einfache Perlenohrringe, und ihre Wangen sind leicht gerötet. Der statische Charakter dieses amerikanischen Porträts, das vom Kopf bis zu den Oberschenkeln reicht (3), wird durch die kühne Haltung der Hände ausgeglichen: Während die Linke im Vordergrund vollständig zu sehen ist, ragen von der Rechten nur die Finger hinter der Rückenlehne hervor. Hinter dem Modell füllt ein gleichmässiger blauer Fond in Art eines Vorhangs die Fläche und entzieht der Szene den Hintergrund. Neben seinem grossformatigen Werk produziert Chavaz weiterhin Ölbilder und zahlreiche Kleinformate. Unter den zwanzig Themen, die in seinem malerischen Werk im Rückblick festgestellt werden können, ist die grosse Anzahl von Frauenporträts hervorzuheben. Die rund 720 erfassten Ölgemälde (4) lassen sich in drei thematische Untergruppen einteilen (5): Auftragsporträts von Frauen aus der Westschweizer Oberschicht, Frauen aus dem Alltag des Künstlers – Bekannte, Freundinnen und Familienmitglieder, Kellnerinnen, Verkäuferinnen, Bäuerinnen und Unbekannte, seine «Walliserinnen» (6) – sowie Porträtserien seiner Modelle. Ab 1945 nehmen Agnès, Fanny und Albertine, dann Zabo, Diane und Isabelle Tabin-Darbellay (*1947), um nur einige zu nennen, einen wichtigen Platz in Chavaz' seriellem Werk ein (7). Ungeachtet ihrer Herkunft weisen die Frauenfiguren des Malers keine der ästhetischen und folkloristischen Eigenschaften auf, die Ernest Biéler (1863–1948), führender Kopf der Schule von Savièse, den Frauen des Wallis gibt. Losgelöst von jeglicher Form des Regionalismus, malt Chavaz die Frauen aufgrund ihrer Gesichtszüge, ihrer besonderen Haltungen oder ihrer Bekleidungen jenseits jedes Stereotyps. Da jedoch die Einteilung von Chavaz’ Frauen in drei Gruppen nicht unveränderlich ist, erstaunt es nicht, die Durchlässigkeit dieser weiblichen Typologie festzustellen. Wo ist Jeanne Héritiers Bildnis einzuordnen? Gehört es zu den Porträts der Walliserinnen oder zu den offiziellen Auftragswerken der 1930er-Jahre? Und wie verhält es sich mit dem zweiten Porträt von 1938, in dem Chavaz die Wirtin in einfacherer und bescheidenerer Kleidung darstellt (8)? Auch wenn das Bild eine Gastwirtin zeigt, geht es vor allem um die Person und ihre menschlichen Qualitäten, nicht um Status und Beruf. In diesem Sinn drückt Héritiers offenkundige hieratische Frontalität den grossen Respekt aus, den der Künstler ihr entgegengebracht haben muss (9). Tatsächlich bot das Paar dem jungen Künstler zwischen 1936 und 1940 uneingeschränkt Unterkunft, Essen und sogar Taschengeld an (10). Somit zeugt das Porträt von Chavaz’ Dankbarkeit gegenüber den Mitgliedern der Familie Héritier, die als wahre Gönner zur Lancierung seiner künstlerischen Karriere im Wallis beigetragen hat. 1) Der Prix Harvey sowie die Preise Diday, Calame, Neumann, Spengler und Stoutz waren die Auszeichnungen, die damals die Société des Arts in Genf verlieh. Heute sind sie unter dem Namen «Prix de la Société des Arts de Genève» zusammengefasst. Albert Chavaz erhielt dreimal den Prix Harvey (1931, 1934 und 1942) sowie 1946 den Prix Diday. 2) Der Stuhl, an dem sich Jeanne Héritier festhält, könnte von dem Walliser Architekten, Innenausstatter und Mäzen Louis Moret (1911–1987) ausgeführt oder überarbeitet worden sein. Letzterer stand Albert Chavaz sehr nahe und stellte dessen Werke 1935 zum ersten Mal im Wallis in seiner Galerie Atelier in Sitten aus. 3) Christophe Flubacher, Artistes valaisans: collection de la Banque Cantonale du Valais, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2017, S. 92. 4) Stefan Biffiger, Paul R. Riniker, Albert Chavaz 1907–1990 Catalogue de l’œuvre peint, Visp, Rotten Verlag, 2000, S. 110. 5) Die thematische Anordnung wurde von der Fondation Albert Chavaz im 2000 publizierten kritischen Werkkatalog vorgenommen. 6) Biffiger / Riniker, a. a. O., S. 110. 7) Biffiger / Riniker, a. a. O., S. 128–129. 8) Albert Chavaz, Madame R. Héritier, 1938, Öl auf aufgekeilter Leinwand, 63 x 49 cm, Privatsammlung, Lausanne, Inv.-Nr. S. 17-780A. 9) Françoise Jaunin, «L’architecte du silence», in Albert Chavaz, Rétrospective 75 ans à la Fondation Pierre Gianadda Martigny, Brig, Rotten Verlag, 1983, S. 13. 10) Austausch zwischen der Verfasserin und einem der Söhne des Künstlers, Bernard Chavaz, am 28. Mai 2019.